La rectification métaphysique de l’identité selon Coomaraswamy
Par Paul Ducay
Continuer la lecture de « Ananda K. Coomaraswamy. Essais métaphysiques »
Par Max DARDEVET
La rectification métaphysique de l’identité selon Coomaraswamy
Par Paul Ducay
Continuer la lecture de « Ananda K. Coomaraswamy. Essais métaphysiques »
Concernant les Sphinx
Περί τάς σφίττα
τήν δἑ κόσμου ἁρμονίαυ ἡ σφίγξ…μηνύει.
(Clément d’Alexandrie)[1].
Introduction
Au cours de quelques années de travail intermittent sur l’Iconographie primitive du Sagittarius et sur Le concept d’‘‘Ether’ ’dans la cosmologie grecque et indienne, que j’espère terminer et publier, il m’a fallu étudier le Chérubin, le Gardien de l’Ancien Testament (plus particulièrement dans La Genèse, III, 24), les Sphinx qui les représentent dans l’art asiatique occidental et l’art palestinien, ainsi que le Sphinx grec. Comme cette étude est plus ou moins complète, elle peut être publiée séparément. Cependant, il faut bien comprendre que je ne discuterai pas ici de l’identité des Sphinx avec d’autres types de Gardiens du Janua Coeli. Je n’aurais rien à dire, si ce n’est par allusion, sur le Sphinx égyptien qui n’a été nommé ainsi que sur la base d’une analogie assez superficielle. Elle est d’une autre origine que celle des Sphinx de l’Asie occidentale et de la Grèce. Notre Sphinx d’origine orientale, combine le corps d’un lion (ou parfois d’un chien) avec le visage d’un homme ou d’une femme (en Grèce il s’agit toujours d’une femme)[2], des ailes et parfois les serres d’un oiseau de proie.
Les Sphinx
Les Sphinx asiatiques occidentaux sont généralement représentés dans le Wappenstil comme des paires affrontées gardant l’Arbre de Vie, de la Vérité et de la Lumière, une colonne équivalente aux volutes Ioniques. Il serait superflu d’argumenter pour dire qu’ici l’arbre et le pilier sont des symboles interchangeables d’un même référent[3]. Au-dessus de l’arbre ou pilier on voit souvent de disque ailé du Soleil. Dans les représentations sumériennes, assyriennes, phéniciennes, crétoises et chypriotes les types peuvent être masculins et barbus, ou féminins. Porter soit le κίδαπις à plumes ou un bonnet Phrygien, un filet ou des plumes en signe de royauté. Avec leurs capacités de Défenseurs ou d’assistant du troisième principe qui sépare et forme une Trinité. Les deux Sphinx peuvent être remplacés par des Griffons (avec des têtes d’aigles et des corps de lions), des serpents ailés, des hommes-scorpions ailés, ou d’autre genii. Une discussion de ces relations se rapporte à l’histoire du Sagittarius. Dans certains cas on distingue entre eux le Héros Prométhéen qui s’introduit de force, et les tient à distance à une longueur de bras[4]. Dans tous les cas leur fonction première est celle de Gardiens de la Porte du Soleil. Ce sont, en fait, ces jambages vivants et dangereux. Ils représentent tous ces contraires dont les Symplegades sont un symbole, et entre eux passe le chemin étroit qui conduit à tout ce qui demeure.
On reconnaît depuis longtemps que dans l’art Palestinien, les Chérubins de La Genèse, III, 24 sont là « afin de garder le chemin de l’Arbre de Vie », et dans Ezéchiel, XLI, 18 « un palmier entre deux Chérubins »[5], qui sont effectivement représentés par des paires de Sphinx affrontés, séparés par un arbre ou un pilier[6], et ceux de l’Exode, XXV, 18 « tu les feras aux deux extrémités du propitiatoire ». Ainsi qu’Isaïe, IV, 4 « le Seigneur des hôtes…entre des deux Chérubins » sont représentés par des Sphinx similaires qui forment les côtés des trône des monarques terrestres[7]. On peut observer que dans Le livre d’Enoch, LXXX, 4-7, les Séraphins, les Chérubins et les Ophanims (les roues) « ceux qui veillent et gardent le trône de Sa gloire ». Dans de nombreuses traditions une telle veille est une caractéristique affirmée des Gardiens de la Janua Coeli.
Mon objectif principal dans le présent article est de discuter de la signification du Sphinx dans l’art Grec. A cette fin, nous devons examiner le sens originel des archétypes et des formes qui y sont associées, dans lesquels la fonction de Gardien est prédominante. L’importance des Chérubins dans l’Ancien Testament est étudiée principalement par Philon. Ce qui peut être à la fois tiré des types Grecs et des références dans la littérature Grecque, plus particulièrement des sens dans lesquels le verbe σφίγγω, duquel dérive Σφίγξ, est employé dans la littérature d’Empédocle à Philon. Enfin les interprétations de Clément d’Alexandrie seront citées. La position de Philon peut être résumée de cette façon. Les Chérubins sont discutés à partir des paires reliées dans La Genèse, III, 24 comme les Gardiens de l’Arbre de Vie, en lien avec L’Exode, XXV, 25 comme les Gardiens du trône royal. Dans les deux cas ils sont considérés comme les représentations des pouvoirs anciens et primordiaux du Logos. Le Conducteur de l’univers, qui se tient entre eux, divise et unit à la fois. Invariablement les deux pouvoirs pris ensemble avec le Logos supérieur, médian et « troisième » est représenté par « une épée flamboyante » qui tourne dans tous les sens, alors que dans L’Exode il n’y a pas de conception visuelle. Ailleurs, le Logos est représenté par l’image vivante du Grand Prêtre et par le principe intellectuel et dirigeant qui règne en nous, l’Homme de Vérité et le Prêtre en chaque homme.
[1] Note de R. Strom. Le titre et l’introduction de cet article ne sont pas issus d’un manuscrit d’A. K. Coomaraswamy. Le texte grec peut être traduit ainsi : « …par le Sphinx on entend l’harmonie du monde ». (Clément d’Alexandrie, Stromata, V, 5, 31).
[2] ‘‘Toujours’’, c’est-à-dire lorsque nous parlons d’un Sphinx unique. Les Sphinx par paires sont parfois mâles dans le dernier art crétois, ainsi que dans le premier art corinthien. (Fig. 69 et 70 a et b).
[3] Avec le concept de pilier à la fois « remplissant une fonction structurelle » et constituant un « aspect du Dieu Soleil » (A. J. Evans, Mycenean Tree and Pillar Cult dans JHS, pp.iii, 173 (1901). Voir Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 10, 9 « ils nomment le Soleil un pilier supportant le ciel », et Taittirīya Saṃhitā, IV, 2, 9, 6 « dedans est assis un aigle ». Plus généralement voir A.J.Wenslick, Tree and Bird as Cosmological Symbols in Western Asia (Amsterdam 1921). U.Homberg, Der Baum des Lebens (Helsinki 1903). Ainsi que Finno-Ugarian and Siberian Mythology, Ch III, V. Boston.
[4] Pour l’art Oriental Grec de la Crète voir Doro Levi, Early Hellenic Pottery of Crete, Pl X, 1 dans Hesperia, XIX (1945) « Une divinité ailée dominant deux Sphinx ».
[5] Les Chérubins d’Ezéchiel sont décrits comme ayant deux faces, celles d’un homme et celle d’un lion. Une conception qui est logique puisque le Sphinx combine les corps des deux. Aucun exemple Palestinien ou Grec de Sphinx à deux têtes peut être cité. Mais il existe un exemple Hittite d’environ 1000 ans av JC, en lequel un Sphinx possède deux têtes, celle d’un homme et celle d’un lion. On y remarque également une queue de serpent. (Fig 72).
[6] E.Cohn-Weiner, Die Jüdisher Kunst (1929) avec des références à notre figure 73 : Baum zwischen Cherubim…swei einander zugewandte Sphingen zu seiten eines Baumstammes saülenartiger Form…eine gute Vorstellung von phönizischen und damit auch salomonischem Stil.
[7] W.F.Albright Qui étaient les Chérubins? Biblical Archaelogist, I, 1 (1938) avec notre figure 74. Dans la mesure où la divinité peut être également représentée (Philon, Somn, I, 240-242) par un pilier, on doit noter la présence des Sphinx appariés (Cf. L’art Hittite, E.Wasmuth, Hethistisher Kunst, Pl 45, environ 800 ans av JC) formant le piédestal d’une colonne, celle-ci étant tracée à partir d’eux.
Traduction A.K.Coomaraswamy (in Une nouvelle approche des Vedas)
« Les traductions existantes de textes védiques, si exactes soient-elles étymologiquement, sont trop souvent inintelligibles ou non-convaincantes, et même quelquefois reconnues inintelligibles par le traducteur lui-même (…) Les traducteurs des Vedas ne semblent pas avoir eu de connaissance préalable en métaphysique, mais plutôt avoir puisé leurs premières et seules notions d’ontologie aux sources sanskrites (…) Il est très évident qu’une connaissance du sanskrit, aussi profonde qu’elle soit, ne suffit pas à la compréhension des Vedas. Les Hindous eux-mêmes ne s’en remettent pas, pour cela, à leur connaissance du sanskrit, mais insistent sur l’absolue nécessité de l’étude aux pieds d’un guru. »