Art sacré et Symboles

« Pourquoi rencontre-t-on tant d’hostilité plus ou moins avouée à l’égard du symbolisme? » (R.Guénon)

« Le symbole EST ce qu’il exprime. » (A.K.Coomaraswamy)

« Lorsqu’on est face à une cathédrale, la personne ressent réellement qu’elle est placée au centre du monde, se tenant devant une église de la Renaissance, du Baroque ou de la période Rococo, elle se sent seulement être en Europe. » (F.Schuon)

« Tout art sacré se fonde sur une science des formes, sur le symbolisme inhérent aux formes. » (T.Burckhardt)

La compréhension traditionnelle de l’Art sacré nécessite une compréhension du rôle du langage symbolique. Pour R.Guénon, face à l’oubli du savoir de la Tradition Primordiale, le symbolisme est le moyen qui permet d’enseigner les vérités d’ordres supérieures. Celles-ci relevant du savoir essentiel de la Métaphysique pure. C’est parce que les symboles renvoient à un référent Transcendant et non à une réalité perceptible qu’ils sont des symboles et non des signes. Le symbole n’est donc pas un simple signe conventionnel. Il est toujours l’expression d’un archétype. Raison pour laquelle à travers l’Art sacré, le symbolisme parvient à déployer toute sa puissance et sa beauté.

La pensée traditionnelle de cet Art sacré n’est jamais une simple production d’impressions individuelles. Car celle-ci s’origine toujours du langage rigoureux des symboles. L’humanité depuis son origine met sous forme tangible, matérialise, ce qui est imperceptible. Elle crée donc un langage symbolique, avec des images cultuelles à partir de la matière terrestre. Et c’est par ces symboles qu’elle peut entre-voir l’événement spirituel et Divin autrement invisible.

Le langage angélique de l’Art sacré que A.K.Coomaraswamy développe dans la tradition Hindoue. Ainsi, dans Aitareya Brāhmaṇa : toute oeuvre sur terre est réalisée par imitation de l’art des devatā. Pour de métaphysicien les deva correspondent aux Anges de la Chrétienté.

En toute société traditionnelle, l’Art sacré est cette « imitation » de l’Art divin. Et, dans la doctrine Hindoue il est possible d’envisager une telle « imitation » à partir des thèmes de māyā et de līlā. C’est bien d’une telle analogie qu’il s’agit dans la métaphysique indienne. C’est bien dans un Art sacré que toute la capacité évocatrice du symbole se manifeste. Un tel symbolisme possède sa Source par-delà les hommes vers le Principe Suprême. Correspondance analogique entre les états inférieurs formels et l’ordre Suprême. Les significations symboliques dépassent le processus des inventions temporelles des représentations subjectives individuelles. L’univers symbolique est universel et atemporel.

Pour F.Schuon, le symbolisme de l’Art sacré ne tient pas compte uniquement de la beauté sensible, mais des fondements spirituels de cette beauté. « Le véritable art est beau parce qu’il est vrai. » (T.Burckhardt). C’est le caractère sacré de cet Art qui met en place une liaison entre Beauté, Vérité et Vertu. Donnant à ces « Idées ( au sens platonicien ) une véritable trame intelligible aux choses sensibles de l’artisanat et de l’art. Cette beauté de la production artisanale ou de la « création » artistique. F.Schuon affirme que le nom  Śūnyamūrti ( la forme du vide ) donne toute sa signification à la représentation du Buddha. A.K Coomaraswamy et F.Schuon remarquent que dans une société traditionnelle il ne peut y avoir d’art profane. Les arts traditionnels sont toujours constitués selon des règles et des principes immuables. La notion contemporaine de « l’art pour l’art » n’est donc pas envisageable. l’Art sacré est fait en même temps pour Dieu, pour les Anges et pour l’homme. L’art profane n’existe que pour l’homme, oubliant sa véritable nature spirituelle.

La tradition par sa transmission de modèles sacrés (soleil, cercle, carré, croix, porte, arbre, ailes, arches etc…), formes spirituelles, donne un véritable enseignement, une initiation qui pose les orientations de l’artisanat et de tout l’Art. Ce qui valide le « passage » des symboles de générations en générations. Il y a une double fonction de ces conceptions. Celle d’une utilité immédiate, mais aussi celle d’un enseignement de maître à disciple. Ces fonctions appartiennent à toutes les religions comme formes traditionnelles. Il faut voir que le plus souvent la fonction symbolique de l’art quotidien, n’est pas remarquée, ou passée sous silence par nos « juges » contemporains. Ces derniers s’appuyant sur leurs « jugements esthétiques » qui se valident différemment d’une époque à une autre. C’est-à-dire qui ne cessent de changer, selon les idéologies historiques.

Une des recherches de A.K.Coomaraswamy consiste à montrer cette fausse compréhension de l’artisanat. Pour lui, ces pratiques sont toujours des mises en formes symboliques. Où la valeur archétypique des symboles est concrétisée par la pratique imitative de l’artisan. La différence moderne entre l’artiste et l’artisan, entre le beau  et l’utile, n’a aucun sens pour la société traditionnelle. L’artisan trouvant la source de son inspiration dans le rythme, l’idée qui ont leur origine à un niveau trans-individuel. Le plus souvent par une approche rituelle et spirituelle. La réalisation matérielle est toujours précédée par l’intuition contemplative. Celle-ci, avant les faculté mentales, dé-voile les formes qui seront appliquées. On peut donc penser que dans ces sociétés les gens ont plus besoins d’un tel Art sacré que de conceptions philosophiques abstraites, pour accéder aux dimensions spirituelles de l’être.

A partir de ces conceptions se poser des questions sur l’art contemporain n’est pas hors sujet. Quel est le sens de la disparition de l’artisanat en nos sociétés de plus en plus technocratiques? Oubliant, ou recouvrant volontairement cette « joie créatrice » de l’artisan traditionnel. Trop souvent l’individualisme moderne ( mis à part certains créateurs ) produit une laideur des formes qui ne sont là que comme phénomènes de « remplissage » d’inquiétudes ou d’angoisses existentielles. Les penseurs auxquels nous faisons références analysent l’art contemporain ainsi que ses théories esthétiques sans faire de concessions.

Pour eux, l’art moderne ignore ( le plus souvent ) les valeurs morales, utilitaires et spirituelles. « art » qui se réduit à une appréhension de la réalité à travers un subjectivisme extrême. Affirmant en permanence que ce qui définit un tel art, c’est le refus des valeurs traditionnelles. L’individualisme outrancier de ces « artistes » ( ou « plasticiens »…), ne se préoccupe que de « nouveauté » ( pour eux il semble qu’aucun art n’existe avant eux…), et d' »originalité » ( où ils ne semblent pas connaître l’étymologie de ce terme…).

 » Un individualisme extrême résulte du culte de la « forme ». Une forme envisagée comme quelque chose de fini et non comme un « symbole ». C’est la raison qui régule la science du fini, les limites de l’ordre, ainsi il est logique qu’un art qui est dirigé par la raison devra partager avec la raison elle-même le caractère réfractaire à tout mystère. » (F.Schuon)

Il est donc possible d’exposer « côte à côte une poterie peinte au Néolithique, ou bien une pièce de monnaie indienne marquée au poinçon et une représentation médiévale des sept dons de l’Esprit, en montrant que le but est de mettre en valeur la doctrine symbolique universelle des « Sept rayons du Soleil.

Les symboles sont donc adéquats intrinsèquement et non par conventions. S’ils sont correctement employés dans les Arts sacrés, ils transmettent de générations en générations, cette doctrine des analogies cosmiques: ce qui est en-haut et aussi ici-bas.

Bibliographie succincte.

R.Guénon. Symboles de la science sacrée. Le symbolisme de la croix. Les états multiples de l’Etre.

A.K.Coomaraswamy. La transformation de la Nature en Art. Element of Buddhist Iconography. La philosophie Chrétienne et Orientale de l’Art.

F.Schuon. De l’Unité transcendante des religions.

T.Burckhardt. Chartes et la naissance de la cathédrale. Aperçus de la connaissance sacrée. Principes et méthodes de l’art sacré.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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