In illo tempore

«  In illo tempore  »

(Article librement inspiré de la Méta-Physique pure d‘A.K.Coomaraswamy.)

« Par superstition, nous désignons une chose qui nous vient du fond des âges, mais que nous ne comprenons plus et que nous n’avons plus l’occasion d’utiliser. »  (A.K.Coomaraswamy)

On peut dire que l’on a rien changé, mais qu’on a énormément perdu. Que ce soit sur le plan de l’action, aussi bien que sur celui de la contemplation. Ceci du fait de notre ignorance de ce que signifient les « superstitions ». Qui en réalité sont de véritables survivances » qui nous apparaissent comme dépourvues de sens que parce que nous avons oublié leur véritable signification.

Par exemple si l’orage (sur lequel nous appuierons notre exemple), ne signifie plus pour nos contemporains le mariage du Ciel et de la Terre, mais simplement une décharge électrique, c’est parce que nous n’avons fait, rien d’autre, que substituer, en réalité, un niveau de référence physique, à un niveau de référence métaphysique.

Ainsi, du temps où l’homme pouvait, la tête tournée vers le toit de sa maison ou de son temple, dire que « là est suspendu le Soleil divin ». Ou bien regarder l’âtre de sa cheminée, dire que : « là se trouve le nombril de la terre ». Alors cette maison ou ce temple étaient en fait ce qu’il pouvait avoir tout à la fois, de plus utile et de plus beau. Elles étaient des habitations bien plus dignes pour l’homme que des « machines à habiter », en lesquelles nos contemporains vivent.

Alors la question de la vérité des légendes, des « superstitions », du folklore ou des mythes, ne peut se poser en une simple corrélation avec des faits observés. Mais il faut y étudier leur intelligibilité. Il faut donc, pour nous hommes du XXIème siècle, comprendre que ces récits sont dotés d’une véritable signification.

Nous y rencontrons un symbolisme trans-historique tout à fait cohérent. Et dire que la littérature orale du folk-lore n’est absolument pas d’origine populaire, mais est conçue afin d’assurer la transmission des mêmes doctrines par et parmi une population. Raison d’être des idées qui devaient nécessairement être imaginées et exprimées dans des formes que l’on pouvait imiter.

Ces « superstitions », ou le « merveilleux » du folk-lore, n’est jamais ajouté au noyau historique. Ce qui serait une imagination déréglée du peuple. Car il s’agit en réalité de la formulation technique d’idées métaphysiques. Ceci dans un symbolisme adéquate, qui n’est en rien d’origine populaire. Ce qu’il faut donc accepter, et comprendre c’est qu’il est bien adapté à une transmission par le peuple. Sans en être conscient le peuple par les « superstitions », légendes et folk-lore transmet une métaphysique symbolisée depuis la nuit des temps.

C’est la « superstition » des peuples et ce qui pour nous est apparemment irrationnel dans une doctrine traditionnelle qui a permis de sauver ce qui autrement serait tombé dans l’oubli.

Lorsque la culture se matérialise, se rationalise, sans plus tenir compte de la dimension spirituelle, alors la connaissance se réduit à une connaissance empirique.

On peut penser que c’est seulement les « superstitions » du monde paysan qui ont été suffisamment fortes pour résister aux effets néfastes d’éducateurs rationalistes. Et c’est là que peut survivre une sagesse authentique humaine et supra-humaine. Même si elle est inconsciente, et si sa forme peut être naïve.

La conception même du folklore, tel qu’on l’entend habituellement, repose sur une idée radicalement fausse; l’idée qu’il y a des   »créations populaires » produits spontanés de la masse du peuple, et l’on voit tout de suite le rapport étroit de cette façon de voir avec les préjugés « démocratiques ».

    « L’intérêt de toutes les traditions dites populaires réside surtout dans le fait qu’elles ne sont pas populaires d’origine. » (Luc Benoit. in La cuisine des Anges.)

Alors il est permis de penser que le monde paysan conserve ainsi, sans les comprendre, les débris des traditions anciennes, remontant même parfois à un passé si lointain qu’il serait impossible de le déterminer. C’est pourquoi, le plus souvent, pour cette raison on le rapporte à un temps obscure d’une « pré-histoire ».

Ce qui a été préservé dans les « superstitions », les légendes, les contes populaires, l’art populaire et le folk-lore, comme dans les mythes, ce ne sont pas d’aimables fables ou un art décoratif, comme la plupart des érudits de notre époque le pensent. Mais il s’agit sans aucun doute d’une série de doctrines et de symboles vraiment ésotériques qui ne sont pas d’invention populaire.

Il est permis de penser que lorsque la décadence intellectuelle frappe, c’est de cette façon que le matériau traditionnel est préservé. Il offre alors un rayon de lumière dans cette nuit noire de l’intellect.

Alors il faut dire que la mémoire populaire est ce « pont » sur laquelle la « Sophia » d’un âge antérieur passe au-dessus, tel le pèlerin de la providence. Au-dessus de cette période de dissolution des cultures qui a lieu à la fin d’un cycle.

Il est tout à fait normal que ce matériau populaire soit décrit comme un corpus de « superstitions », car il est véritablement un corpus de coutumes et de croyances qui étaient dominantes à l’époque où leurs significations étaient comprises. C’est bien parce que ces croyances populaires étaient comprises « in illo tempore », que nous pouvons en parler comme métaphysiquement intelligibles ou expliquer la justesse de leurs formulations.

Si le paysan est non conscient de la transmission, et de l’intelligibilité symbolique de ces « superstitions », ceci est encore en soi supérieur à cette science empirique individualiste et l’art réaliste de l’homme qui se dit « cultivé ». Ignorance de cet homme qui quand il étudie ces mythes, légendes, folk-lore ou « superstitions », s’enlise dans la comparaison des dates sans chercher à en dégager un sens métaphysique, au-delà de la physique. Il ne parvient pas plus à en dégager un sens cohérent, pas plus que le paysan qu’il dit « inculte ».

Ainsi que l’on croie ou non dans la possible authenticité des miracles attribués à tel ou tel Messie ou Héros solaire, il n’en reste pas moins que ces « merveilles » ont toujours une signification spirituellement exacte et intelligible. Il est donc impossible de les extraire de la légende, de la superstition, sans complètement les dénaturer.

La lucarne cosmique forme une cheminée, à la fois « caminus » et chemin par lequel le feu s’achemine. Nous pouvons donc faire un   »jeu » de mots entre chemin et cheminée. On doit remarquer que ce n’est pas sans signification que ce soit par la cheminée que le Père Noël monte et descende…En réalité les rapports entre chemin et cheminée ne sont pas si simples. Car le latin « caminus », d’origine grecque, signifie « foyer » ainsi que la « cheminée ». (Il est possible qu’à l’époque les cheminées telles que nous les entendons n’existaient pas). (Important, on sait que « caminus » « chemin » est un mot celtique demeuré dans les langues romanes, mais non attesté en latin: chemin et cheminée)

C’est toute l’architecture traditionnelle qui en fait reproduit une structure cosmique. Ce que nous pouvons constater dans l’analyse de l’architecture sacrée de toutes les civilisations.

L’homme du néolitihique, s’il vivait lui aussi dans une maison, vivait dans une maison qui incarnait toute la cosmologie.

Il faut tenir compte du fait que l’homme « primitif », dans toutes les civilisations, identifiait la colonne de fumée qui s’élevait de son âtre pour disparaître par le trou du toit à l’Axe de l’Univers, Axis Mundi. Il voyait aussi dans cette cheminée une image de la « Porte Céleste », et dans son âtre le Nombril de la Terre. On ne peut plus comprendre, à notre époque, tous ces symboles, car nous estimons que toute connaissance doit être empirique et rationnelle, sinon elle n’a pas de sens.

Pour certains tout ce que Platon nommait « idées » n’est que « superstitions ».

Nous venons de dire que la « pierre du sommet » peut n’être qu’une   »clef de voûte », dans tous les cas, et, en effet elle ne l’est que dans une construction dont la partie supérieure est en forme de dôme; dans tout autre cas, par exemple celui d’un bâtiment surmonté d’un toit pointu ou en forme de tente, il n’y en a pas moins une   »dernière pointe » qui, placée au sommet, joue à cet égard le même rôle que la « clef de voûte », et, par conséquent, correspond aussi à celle-ci du point de vue symbolique, mais sans pourtant, qu’il soit possible de la désigner par ce nom. » (Guénon. in La pierre angulaire.)

Chaque maison est par conséquent un symbole de l’univers et présente un contenu analogue; ainsi que l’a dit Paul ; « la maison et le monde sont ainsi deux sommes égales (…) la famille qui l’habite est l’image de la foule infinie de créatures vivant sous le commun abri de la Maison de l’univers, le plafond ou le toit est le Ciel, la lampe le Soleil ». Les différentes maisons reflètent en leurs accidents les particularités des différents constructeurs mais, en essence elles sont autant d’hypostases d’un seul et même monde et elles n’ont toutes ensemble qu’une Réalité.

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