Ananda K. Coomaraswamy. La doctrine védique du « Silence »

« Tu la verras quand tu n’auras rien à dire d’elle ; car la Gnose, la contemplation, c’est le silence et le repos de toute sensation. » (Hermès. Lib.X.5)

La signification générale du « Silence » en relation avec les rites et les mystères, a été admirablement discutée par René Guénon dans les Etudes traditionnelles[1]. Ici, nous proposons de citer d’autres détails, plus spécifiques à partir de la tradition védique. On doit poser en prémisse que l’Identité Suprême (tad ekam) n’est pas seulement en elle-même ‘‘sans dualité’’ (advaita), mais lorsqu’elle est considérée d’un autre point de vue extérieur, elle est l’identité de nombreuses choses différentes. Par cela, nous ne voulons pas dire seulement qu’un premier principe uniforme transcende les paires d’opposés concernées mutuellement (dvandvau) qui ne peuvent être distinguées à tous les niveaux de références, comme contraires ou comme contradictoires, mais plutôt que l’Identité Suprême, indéterminée même par une première hypothèse d’unité, insère en son infinité la totalité de ce qui peut être implicite ou représenté par les notions d’infini et de fini, à partir duquel le premier inclus le suivant, sans réciprocité[2]. Autrement, le fini ne peut être exclu ou isolé, ou dérivé de l’infini, vu qu’un fini indépendant serait en lui-même une limitation de l’infini par hypothèse. L’Identité Suprême est, par conséquent, inévitablement représentée en notre pensée sous deux aspects, et les deux sont essentiels pour la formation de tout concept de totalité secundum rem. Ainsi, nous le constatons lorsqu’il est dit comme Mitrāvaruau (apara et para Brahman, le Dieu et la Déité) cela à partir d’un seul et même lieu, ils posent « le fini et l’infini » (aditi diti ca, gveda I, 62, 8) ; où naturellement, doit apparaître dans le mental que in divinis, ‘‘voir’’ est identique à ‘‘connaître’’ et à ‘‘être’’. De même, en substituant la notion de ‘‘spiration’’ à celle de manifestation, on peut dire que : « Cet Un est également ‘‘spiré, déspiré’’ (tad ekam ānīd avātam, gveda, X.129.2) ; ou est en même temps ‘‘Etre et Non-Etre’’ (sad asat) (gveda, X.5.7)[3].

 La même conception est exprimée en termes d’expression et de silence, ce qui est clairement formulé en gveda, II, 43, 3, « Si, Ô oiseau, vous exprimez votre bonheur tout haut, assis en silence (ṣṇīm), amenez vers nous de bonnes pensées »[4]. De même, dans le rituel, nous trouvons que les rites sont exécutés, soit avec ou sans formules énoncées, et ces louanges sont offertes soit vocalement ou en silence, pour lesquelles les textes également procurent une explication adéquate. Ici, on pose comme prémisse que le premier but du Sacrifice Védique (yajña) a pour but une réintégration de la divinité conçue comme passée et désintégrée par l’acte de création, et en même temps, celle du sacrifiant lui-même, dont la personne considérée en son aspect individuel, est évidemment incomplète. Le mode de réintégration au moyen de l’initiation (dīka) et des symboles (pratika, ākti) soit naturel, construit, ordonné ou vocalisé ; le sacrifiant est attendu pour s’identifier avec le sacrifice lui-même, et ainsi avec la divinité qui représente le sacrifice primordial de soi, «Le respect de la règle par conséquent étant la même, comme s’il s’agissait de la création.» Une distinction claire est dessinée entre ce qui doit être simplement ‘‘présent’’ et ce qui ‘‘réellement’’ participe dans les actes rituels qui sont exécutés en leurs faveurs.

Comme il a été déjà exposé, il y a certains actes qui sont effectués avec un accompagnement vocal et d’autres dans le silence. Par exemple dans Śatapatha Brāhmaa, VII, 2, 2,13-14 et 2, 3, 3, avec un lien dans la préparation de l’autel du Feu, certains sillons sont labourés et certaines libations sont effectuées avec l’accompagnement de mots parlés, et d’autres en silence – « En silence (ṣṇim), ainsi ce qui est silence est non-prononcé (aniruktam), est ce qui est non-prononcé est toute chose (sarvam) […] Ce Agni (Feu) est Prajāpati, et Prajāpati est les deux prononcé (nirukta) et non-prononcé, lié (parimita) et non-lié. Maintenant tout ce qu’il fait par une formule parlée (yajuā), ainsi il intègre (saskaroti) cette forme de ce qui est prononcé et lié ; et ce qu’il fait en silence, ainsi il intègre cette forme de ce qui est non-prononcé en non-lié. Véritablement, quiconque comme Celui-qui-comprend, par conséquent, ainsi, il intègre toute la totalité (sarva kṛṭṣnam) de Prajāpati ; le ab extra des formes (bāhyāni rūpāi) est affirmé, le ab intra des formes (antarāi rūpāi) est non-prononcé.» Un passage quasiment identique apparaît dans Śatapatha Brāhmaa, XIV.I.2.18 et en VI.4.1.6, où il y a une autre référence à l’interprétation du rite dans le silence ; « Il étend la peau noire de l’antilope en silence, ainsi c’est le Sacrifice, le Sacrifice est Prajāpati et Prajāpati n’est pas prononcé ».

Dans Taittirīya Sahitā, III, 1, 9 les premières libations sont traitées en silence (upāśu), et les dernières avec du bruit (upabdim), et « donc on accorde aux divinités la gloire qui est la leur, et pour les hommes la gloire qui est en eux, et devient une gloire divine parmi les divinités et une gloire humaine parmi les hommes. »

Dans Aitareya Brāhmaa, II.31-32, les Devas, incapables de vaincre les Asuras, sont dit avoir ‘‘vu’’ la récitation silencieuse (ṣṇī śasam apaśyam), et ceci les Asuras ne peuvent le faire. Cette ‘‘récitation silencieuse’’ est identifiée avec ce qui est nommé les « yeux du pressage du Soma, par le moyen desquels Celui-qui-comprend atteint le monde de la Lumière ». Il y a une référence à ces « ces yeux du Soma, par lesquels, les yeux de la contemplation (dhã) et de l’intellect (manas) nous apercevons le Doré » (hirayam, gveda, I, 139, 2 à savoir, Hirayagarbham, le Soleil, la Vérité, Prajāpati, comme dans gveda, X, 121). On doit observer dans ce lien, que comme le vin dans d’autres traditions, le Soma partagé, n’est pas vraiment un élixir de vie (rasa, amta ), mais une liqueur symbolique ; « ce que les Brāhmanes veulent dire par « soma », personne ne le déguste, personne ne déguste ce qui réside sur terre » (gveda, X 85, 3-4) : c’est « par le prêtre, au moyen de l’initiation, et de l’invocation, que le pouvoir temporel prend part en apparence au pouvoir spirituel (brahmao rūpam, Aitareya Brāhmaa, VII, 31[5]. Ici, la distinction entre le soma réel et le soma théorique partagé est analogue à celle des mots parlés du rituel et à ce qui n’est pas exprimé en mots, la même analogie que la distinction entre la représentation visible et l’ « image qui n’est pas dans les couleurs » (Lakāvatāra Sūtra, II, 118).

La prière bien connue dans le veda, X, 189 à la Reine Serpent (sarparājñī) qui est en même temps l’Aurore, la Terre, et celle du Soleil est aussi connue comme « le chant du mental » (mānasa stotra), évidemment, car il s’agit, comme il est expliqué en Taittirīya Sahitā, VII, 3, 1 ‘‘chanté mentalement’’ (manasā[6] stuvate), et celui-ci est dans le pouvoir de l’Intellect (manas) non pas simplement pour envelopper celui-ci (imām : l’univers fini) en un seul moment, mais aussi afin de le transcender, et non pas seulement pour le contenir (paryāptum), mais aussi pour l’entourer (paribhavitum). Et de cette façon, au moyen de ce qui a été auparavant énoncé vocalement (vācā) et ce qui ensuite est énoncé mentalement, « les deux (mondes) sont possédés et obtenus ». La même chose est, précisément implicite dans Śatapatha Brāhmaa, II, I, 4 29 où il est dit que tout ce qui n’a pas été obtenu par les rites précédents  est maintenant obtenu au moyen des vers de Sarparājñī, récités, et aussi loués mentalement et silencieusement et ainsi le tout (sarvam) est possédé. De même dans Kauītaki Brāhmaa, XIV, I où les deux parties de l’ Ājya sont le ‘‘murmure du silence’’ (ṣṇīm-japa) et la ‘‘louange silencieuse’’ (ṣṇīm-śasa), « Il récite de manière inaudible, pour l’acquisition de tous les désirs », étant compris, naturellement, que le chant vocalisé appartient à l’obtention uniquement de biens temporels.

On doit remarquer également, que la correspondance des mots parlés à une divinité extérieure, et ceux non parlés à une forme intérieure de la divinité. Ce qui est conforme à la formulation de l’Aitareya Brāhmaa, I, 27 où quand le soma a été acheté aux Gandharvas (types d’Eros, armés d’arcs et de flèches, qui sont les gardiens du soma, « ab intra ») au prix du Mot (vāc, féminin, ici nommé « le Grand Un dénudé » » – la Déesse dénudée – et représentée dans le rite par une génisse), il est prescrit que le récitatif doit être exécuté en silence (upāśu) jusqu’à ce qu’elle soit honorée par eux, c’est à dire, aussi longtemps qu’elle demeure « à l’intérieur ».

Dans la Bhadārayaka Upaniad, III, 6, où il y a le dialogue sur Brahman, la situation est finalement atteinte lorsque le questionneur est conduit à ce que Brahman, soit « une divinité à propos de laquelle aucune autre question ne peut-être posée »,  et ce questionneur ‘‘atteint la paix’’ (upararāma). Ce qui est en accord parfait avec la via remotionis dans des textes identiques, où il est dit que le Brahman est « ni ceci ni cela » (neti neti), et aussi avec le texte traditionnel commenté par  Śakara sur le Vedānta Sūtra, 2,17 où Bāhva questionné sur la nature du Brahman reste silencieux (ṣṇīm), seulement s’exclamant lorsque la question est répétée pour la troisième fois ; « Je vous l’ai vraiment dit, mais vous ne comprenez pas : ce Brahman est silence ». C’est exactement le même sens auquel on peut relier le refus du Buddha d’analyser l’état de nirvāa. (Cf. avadyam, ‘‘ce qu’on ne peut dire’’ à partir [Souligné par l’auteur. NdT.] Duquel les principes de progression sont libérés par la lumière manifestée gveda, passim). Dans la Bhagavad Gītā, X, 38, Krishna parle de lui-même comme : « le silence des gens cachés (mauna guhyāām), et la gnose des Gnostiques (jñana jñanavatām) ». Où mauna correspond au muni familier ‘‘le sage silencieux’’. Ce n’est pas, évidemment, dire qu’Il ne ‘‘parle’’ pas, mais que ce qu’Il dit c’est simplement la manifestation, et non pas une affection, du Silence ; comme dans la Bhadārayaka Upaniad, III, 5 qui nous rappelle que l’Etat Suprême est Un, transcende la distinction de l’expression à partir du silence – « Sans considération pour l’expression ou le silence (amauna ca mauna nirvidya), alors est-il vraiment un Brāhmaṇe. Lorsqu’on lui demande ensuite ; « Par quels moyens devenir un Brāhmaṇe ? » il est répondu au questionneur : « Par ce moyen par lequel on doit devenir un Brāhmaṇe», ce qui veut dire, par une voie qui peut être trouvée mais qui ne peut être planifiée. Le secret de l’initiation demeure inviolable en sa véritable nature, il ne peut être trahi, car il ne peut être exprimé, il est inexprimable (aniruktam), mais l’inexplicable est toutes choses, en même temps tout ce qui peut être expliqué et tout ce qui ne peut pas être expliqué.

On a vu à partir des citations ci-dessus des textes des Brāhmaṇās et des rites auxquels ils font références, qu’ils ne sont pas absolument constants, mais en accord complet avec les valeurs implicites du texte de gveda,  II, 43, 3, où ces explications ont une validité universelle, pouvant aussi bien s’appliquer aux Orationes Secretae de la messe chrétienne (qui est aussi un sacrifice) comme la répétition non-vocale de formules du Yajus Indien[7]. Les moyens constants, de même, sont une illustration du principe général. Ce que l’on retrouve dans les Brāhmaṇās et les Upaniads ne représentant rien de nouveau en principe, mais sont seulement un développement de ce qui est prix comme admis et plus ‘‘éminemment’’ énoncé dans les ‘‘plus anciens’’ textes liturgiques. Ceux qui supposent qu’on parle uniquement de ‘‘nouvelles doctrines’’ dans les Brāhmaṇās et les Upaniads, posent simplement des difficultés inutiles à la compréhension des Sahitās.

Il serait également utile de considérer la dérivation et la forme du mot ṣṇīm. Celle-ci est indéclinable, généralement adverbiale (‘‘silencieusement’’), mais parfois peut être rendue par un adjectif ou par un nom, l’accusatif de ṣṇa, supposé perdu, avec pour féminin tuṣṇī qui correspond au sens grec de σιγή , est dérivé de la racine (TUṢ-) signifiant ‘‘être satisfait’’, ‘‘content’’, et ‘‘au repos’’, dans le sens où ce mouvement est au repos en atteignant sont objet, et en fait comme la parole qui se repose dans le silence, quand tout ce qui a été dit a pu être dit. Le mot ṣṇīm apparaît comme un véritable accusatif (W. Caland, «ṣṇīm est l’équivalent de vāca yama ») – ainsi parler d’une ‘‘contemplation silencieuse’’ impliquerait une tautologie – Dans Pañcaviśa Brāhmaa,  VII, 6, 1 où Prajāpati, désirant procéder à partir de l’état d’unité vers la multiplicité (bahu syām) s’exprime lui-même avec les mots suivants : « Puis-je être né » (prajāyeya), et « ayant par l’Intellect contemplé le Silence » (ṣṇīm manasā dhyāyat), et en outre ‘‘vu’’ (ādhīdhīt) que l’Embryon (garbam, à savoir Agni ou Indra, qui comme le Bṛhat devient ‘‘le fils aîné’’, demeure caché en lui-même (antarhitam), et ainsi est proposé à le faire naître au moyen de la Parole (vāc) (Cf. Taittirīya Sahitā,  II, 5, 11, 5, yad-dhi manasā dhyāyati, où yad est l’équivalent de ‘‘mot non-proféré’’, ‘‘concept non-proféré’’). Tuṣṇīm manasā dyāyat alors correspond au plus usuel manasā vācam akrata (gveda, X, 71, 2 ou manasāivā vāca mithuna samabhavat, Śatapatha Brāhmaa, VI, I, 2, 9) avec une référence à « l’acte de fécondation latent dans l’éternité », ainsi[8]  « Il (Prajāpati) devint fécond » (garbhin)[9] et émit (asjata) les Nombreux Anges ». La naissance du Fils, strictement parlant, n’est pas uniquement une conception à partir des principes conjoints, dans le sens d’une opération vitale, mais en même temps une conception Intellectuelle : per verbum in intellectu conceptum, correspondant à cette désignation de l’Embryon (garbham, à savoir Hiraṇyagarbha) comme un concept (dīdhitim) dans le sens du texte de gveda, III, 31, 1.

Le Pañcaviśa Brāhmaa, cité ci-dessus, continue à expliquer en faisant référence à l’intention d’ « amener à la naissance au moyen de la Parole » (vācā prajanayā) que Prajāpati « a libéré la Parole[10] (vācaṃ vyaṣrjata), en d’autres termes, a effectué la séparation du Ciel et de la Terre) et Elle (la Parole) est descendue comme Rathantara, (vāg rathantaram avapadyata, où ava-PAD- est littéralement ‘‘descendre’’) […] et alors était né le Bṛhat […] ce qui a été posé depuis longtemps intérieurement (jyog antar abhūt) ; cf. gveda, X, 124, 1 « Vous êtes posé depuis assez longtemps dans une longue Obscurité. » (jyod eva dīrghma tama āśayiṣṭ)[11]. Cela pour dire qu’Aditi, Magna Mater, la Nuit, devient Aditi, Terre-Mère, et Aurore, sont représentés dans le rituel par l’autel (vedi) qui est le lieu de naissance (yoni) d’Agni ; où une distinction est faite entre le Verbe comme Terre-Mère, ou en d’autres termes de ‘‘Marie en esprit’’ et de ‘‘Marie en chair’’[12]. Ainsi, comme nous le savons à partir de Taittirīya Sahitā, III, 1, 7  et de Jaiminīya Brāhmaa, I, 145-146, le Bṛhat (le Père qui a conduit à la naissance) correspond au Ciel[13], le futur (bhaviyat), le non-lié (aparimitam) et la dé-spiration (apāna) ; le Rathantara (la nature séparée du Père), qui correspond, à la Terre, le passé (bhūtāt), le lié (parimitam), et la spiration (prāa)[14].  On peut trouver les mêmes hypothèses dans Jaiminīya Upaniad Brāhmaa, I.53sq, qui substituent Sāman et Ṛc pour Bṛhat, et Rathantara : le Sāman (masc) représentant l’intellect (manas) et la dé-spiration (apāna) le Ṛc (fém) la Parole (vāc) et la spiration (prāa). Le Sāman est aussi in seipso « les deux elle () et lui (ama) », et c’est comme un seul pouvoir lumineux (virāj)[15] que les principes conjoints génèrent le Soleil, et alors immédiatement se séparent l’un de l’autre, cette division de l’essence à partir de la Terre, ou de la Nuit à partir du Jour, ce qui est l’inévitable condition de toute manifestation ; c’est invariablement la venue de la lumière qui sépare dans le temps les Parents qui sont unis dans l’éternité. Maintenant sāman a toujours une référence à la musique, c  pour l’articulation des formulations des incantations (c, mantra, brahma), ainsi lorsque les mots sont chantés pour une musique scandée représente une analyse de la nature d’une musique céleste qui en elle-même est une, et inaudible aux oreilles humaines[16]. Nous pouvons dire, en conséquence, que le nom de ‘‘Grande Liturgie’’ (bhad uktha, où uktha provient de vāc, ‘‘parler’’) est appliqué à Agni par exemple, dans gveda, V, 19, 3 il représente le Fils comme Verbe parlé, et un Logos manifesté[17], et de la même façon Indra est « l’incantation la meilleure » (jyeṣṭhaś ca mantra, gveda, X, 50, 4).

Le Verbe parlé est une harmonie. Dans Kauītaki Brāhmaa, XXIII, 2 et XXIV, 1 « Prajāpati est celui dont le nom est mentionné[18] ; c’est le symbole de  Prajāpati […] ‘‘à haute voix’’ dans ‘‘un chant à haute voix, ô vous d’un large rayonnement’’ (Agni) est un symbole du Bṛhat ». Dans Śatapatha Brāhmaa, VI, I, I, 15 le Jubilé triomphant du Verbe parlé est décrit comme suit : « Elle (la Terre, bhūmi, étant pthivī, ‘‘se disperse’’) se sentant complète en tout (sarvā ktsnā), chantée (agāyat) ; et parce qu’elle « est chantée », par conséquent elle est Gāyatrī. Ils disent également que « c’était Agni, en vérité, sur son dos (pṛṣṭhe)[19] qui se sentant lui-même complet en tout, chanté, et vu qu’il est chanté, par conséquent il est Gāyatra. Et alors quelqu’un se sent totalement complet, s’il chante ou prend plaisir dans le chant. »

Nous avons ainsi discuté brièvement de la nativité divine à partir de certains points de vue, afin de faire ressortir les correspondances de références védiques et gnostiques sur le Silence. Dans les deux traditions les pouvoirs authentiques et intégraux à chaque niveau de références sont les syzygies des principes conjoints ; mâle et femelle, en résumant la doctrine Gnostique des Éons (védiques : amtāsā = devā) nous devons dire que ab intra et non formellement sont βυθός et σιγή , « Abysse » et « Silence » et ab extra, simplement νοῦς et ἔννοια ou Sophia, « Intellect » et « Sagesse », et sans aller plus en détails, ce σιγή correspond au tuṣṇī védique et νοῦς à manas, σιγή et Sophia respectivement aux aspects cachés et manifestés de Aditi-Vāc; et aussi que la « chute » de la Parole (vāg […] avapadyata, cité ci-dessus et sa purification comme Ṛc, Apāla, Sūryā (Jaiminīya Upaniad Brāhmaa, I, 53sq, gveda, VIII, 91 et X, 85) correspond à la chute et à la rédemption de Sophia et de la Shekinah dans les traditions Gnostiques et Kabbalistiques, respectivement. En ce qui est réellement plus académique, plutôt que plus « orthodoxe », des formes dans la Chrétienté, les deux aspects de la Voix, à l’intérieur et à l’extérieur, sont ceux de « cette nature par laquelle le Père a engendré » et « cette nature qui descend à la ressemblance de Dieu, et conserve encore une certaine ressemblance à l’être divin ». (Somme Théologique, I, 41, 5c et I, 14, 11 ad3), l’éternel et le temporel Theotokoi, respectivement.

Répétons en conclusion que l’Identité Suprême n’est ni simplement silence ni simplement vocale, mais littéralement un non qu’est-ce que c’est, qui est en même temps indéfinissable et partiellement défini, une Parole non-énoncé et énoncée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[Cet essai a été publié dans Indian Culture, III (1937). NdT.]

 

[1] René Guénon, « Organisations initiatiques et sociétés secrètes » et « Du secret initiatique, » Le Voile d’Isis, pp.349, 429, 1934 ; « Mythes, mystères et symboles, » Le Voile d’Isis , p.385, 1935.

[2] « L’infini (adithi) est la Mère, le Seigneur, et le Fils, tout ce qui est né et le principe de la naissance, etc. » (gveda, I, 89, 10) ; «  Rien n’est changé dans l’Infini immuable (ananta) par l’émanation ou le retrait des mondes » (Bhāskara, Bījabaita [Bénarès, 1927], répétant la pensée de l’Atharva Veda, X, 8, 29 et de la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, V, I, « Cela est plein (pūram), ceci est plein, le plein sort du plein. » L’inclusion du fini dans l’Infini dans l’Aitareya Āraṇyaka, II, 3, 8, « Il est Brahman, l’ego (aham) est en lui. » Sur la relation de l’unité à la multiplicité voir Ananda K. Coomaraswamy, L’exemplarisme védique, Aspects de l’Hindouisme, 1988.

[3] Les ‘‘opérations distinctes’’ (vivrata), intérieures et extérieures (tira ou guhya, et āvis) de l’Identité Suprême sont représentées par d’autres paires, par exemple, ordre et désordre (cosmos et chaos), vie et mort, lumière et ténèbres, vision et aveuglement, veille et sommeil, puissance et faiblesse, mouvement et repos, temps et éternité, etc. On doit observer que tous les termes négatifs représentent des privations ou des fléaux s’ils sont envisagés empiriquement, mais une absence de limitation, lorsqu’elle est considérée anagogiquement, car le concept négatif inclut le positif, de même que la cause inclut l’effet. (Ce qui est illustré ultérieurement par les deux termes, niruktānirukta, mortel et immortel comme mitrāvaruau dans gveda, I, 164, 38, les deux Brahman dans Bhadāraṇyaka Upaniṣad, II, 3, I, Prajāpati dans Śatapatha Brāhmaa, X, I, 3, 2).

[4] Cf. gveda, X, 27, 21, « Au-delà de ce qui est entendu, il y a un autre son » (śrava id ena paro anyad asti) ; gveda, I, 164, 10, « Derrière le Ciel là-haut les dieux ont une incantation sans effet externe (mantrayante […]viśvavida vācam aviśvaminvan) ; et Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, III, 7-9 où l’initié (dīkitaḥ est regardé comme celui qui est mort au monde) est dit énoncer un mot ‘‘non humain’’ (amānuiṃ vācam) ou ‘‘brahma-dictum’’ (brahmavādyam). Rien, mais un écho du Mot véritable peut-être entendu ou compris par des oreilles humaines.

[5] Dans Aitareya Ārayaka, II, 3, 7, « Au moyen de la forme de ce qui est en Haut, on est dans ce monde (amuno rūpeemaṃ lokam ābhavati) ; au contraire « au moyen de cette forme (humaine) on renaît totalement en ce monde » est posé ici, et aussi dans Aitareya Āraṇyaka, II, 3, 2 où une ‘‘personne’’ (purua) est distincte de l’animal (paśu) en cela que « par le mortel qui cherche l’immortalité, cela est la perfection ». Par exemple, dans Aitareya Brāhmaa, VII, 31, cité ci-dessus, c’est au moyen des souches du Nyagrodha que la représentation du pouvoir temporel prend part au soma métaphysique (parokeṇa). Cette doctrine de la ‘‘transsubstantiation’’ est de même énoncé dans Śatapatha Brāhmaa, XII, 7, 3, 11, « Par la foi il transforme le surā en soma », cf. Śatapatha Brāhmaa, XII, I, 5 et XII, 8, 2, 2. Voir Ananda K. Coomaraswamy, Anges et Titans, note 12, La Doctrine du Sacrifice, 1978.   

[6] Donc Manasā Devī, la désignation moderne Bengali de la Déesse Serpent.

[7] On peut ajouter que d’un point de vue religieux, le silence et le jeune, ou d’autres actes d’abstentions sont des actes de pénitence. A partir du point de vue métaphysique leurs significations n’ont rien à faire avec une simple amélioration de l’individualité comme telle, mais avec la réalisation des conditions supra-individuelles. La vie contemplative comme telle est supérieure à la vie active en elle-même. Il ne s’ensuit pas cependant que l’état de Celui-qui-comprends ou même Celui-qui-est-sur-la-voie doit être celui d’une inaction totale, ce serait une imitation parfaite de l’Identité Suprême, où le repos éternel et le travail éternel sont identiques. Il y a une imitation adéquate, seulement lorsqu’inaction et action sont identifiées, comme cela est entendu dans la Bhagavad Gītā et le wu wei Taoïste ; l’action n’implique pas une limitation quand elle n’est pas déterminée par les besoins, ou des astreintes à de fins pour atteindre quelque chose, mais devient une simple manifestation. En ce cas, par exemple, l’expression n’est pas exclue, mais plutôt représente le silence. (« C’est juste par le son que l’absence de son est révélée » Maitri Upaniad, VI, 22) ; de cette façon par un mythe ou un autre symbole adéquate, bien qu’étant une ‘‘expression’’ actuelle, demeure un ‘‘mystère’’ essentiel. De même que toute fonction naturelle, lorsqu’elle se réfère au principe qu’elle représente, peut correctement être dite abandonnée, même lorsqu’elle est exécutée.

[8] ‘‘Ainsi’’, c’est-à-dire comme saint Augustin l’exprime, ayant ainsi « fait de lui-même une mère dont il est né » (Epiphanius contra quinque haereses, 5). [Voir. A Copic Gnostic Treatise cantained in the codex Brucianus, ms.96, Trad. Charlottes Baynes, XII, 10, p.48, (Cambridge, 1933) pour la Source et le Silence].

[9] Cf. Epiphanius contra quinque haereses, XXXIV, 4, « Le Père était en couches », et dans le folklore la ‘‘couvade’’.

[10] Il est intéressant de noter un rituel parallèle dans Śatapatha Brāhmaa, IV, 8, 9, 23-24, où après une assise sans parole (vāca yamaḥ), les sacrificateurs « peuvent émettre leurs paroles » (vācam visjetan) selon leurs désirs, par exemple, « Puissiez-nous être nombreux par la progéniture ». [Note. ṣṇīṃ śansaṃ tira vai retāmsi vikryante, Aitareya Brāhmaa, II, 39; cf. spécialement Jaiminīya Upaniad Brāhmana, III, 16].

[11] Dīrghatamas, ‘‘Grande Obscurité’, est le nom d’un ‘‘prophète’’ aveugle (ṛṣī) du gveda, qui selon cette désignation ab intra est la forme occulte d’Agni, dont la relation avec son jeune frère Dīrghaśravas ‘‘Grand Cri’’, est celle de Varuṇa à son plus jeune frère Mitra ou Agni, ou en d’autres termes, celle de la Mort (mtyu) à la Vie (āyus). De Dīrghaśravas il est également dit qu’il a été « longtemps contraint et manquant de nourriture » (jyog aparuddho’śayāna, Pañcaviṃśa Brāhmana, XV, 3, 25), et toutes ces expressions correspondent à ce que nous avons dit de Vṛtra dans gveda, I, 32, 10, à savoir que « l’ennemi d’Indra étendu dans une grande obscurité (dīrghatama aśayat) sous les Eaux » ; l’aspect ab intra de la divinité étant celle du Dragon ou du Serpent (vta, ahi), la procession de Prajāpati « rampant pour sortir aveugle de l’obscurité  » (andhe tamasi prāsarpat, Pañcaviśa Brāhmaṇa, XVI, I, I), et que les Serpents en général ‘‘rampants en avant’’ (ati sarpaṇa), de cette façon deviennent les Soleils (Pañcaviśa Brāhmaṇa, XXV, 15, 4). Sur cette procession serpentine voir Ananda K. Coomaraswamy, Anges et Titans, La Doctrine du Sacrifice, 1978. La procession de Dīrghatamas mérite une longue discussion.

[12] Autrement représentée de façon mythique comme le rapt de la Parole (gveda, I, 130, 9, où Indra « dérobe la parole’’, vācam […] muayati), ou comme une analyse de la Parole (gveda, VII, 103, 6, X, 71, 3 et 125, 3), ou encore comme une mesure ou la naissance de Māyā à partir de Māyā (Atharva Veda, VIII, 9, 5, « Māyā était née de Māyā », suivi par le Lalita Vistara, XXVII, 12, « Attendu que comme elle, c’est-à-dire, la Mère du Buddha, de même a été conçue de Māyā, Māyā était son nom »).

[13] Agni bien que le Fils, est lui-même le Père qui renaît, et immédiatement s’élève ; de plus « Agni est allumé par Agni » (gveda, I, 12, 6). On peut dire de lui, en conséquence, qu’« étant le Père, il devient le Fils » (Atharva Veda, XIX, 53, 4) et qu’Il est les deux « le Père des dieux et leur Fils » (gveda, I, 69, I, voir. Śatapatha Brāhmaa, VI, I, 2, 26), mais aussi qu’ « Il était jusqu’ici son propre Fils maintenant devient son propre Père » (Śatapatha Brāhmaṇa, II, 3, 3-5) qu’il est alors  « le Père de son Père » (gveda, VI, 16, 35), simultanément le Fils et le Frère de Varua (gveda, IV, I, 2 et X, 51, 6), et « propre Fils » (tanūtnapat, passim). Cette dernière expression correspondant au Gnostique αῦτογενης. Il est alors facile de voir comment Agni, bien que Fils d’une naissance chtonienne, peut par son identité avec le Soleil être également regardé comme l’Amoureux de la Terre-Mère ; la syzygie Agni-Pṛthivī étant alors un aspect des parents Ciel et Terre, Savitṛ-Sāvitṛī, et plus loin Mitrāvaruṇau (Gopatha Brāhmaa, I, 32 et Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, IV, 27, etc.).

[14] Cf. dans Aitareya Āryaaka, II, 3, 6 la distinction de l’esprit (prāa) du corps (śarīra), auquel le premier est caché (tira) et le second évident (āvis), comme ‘‘a’’ inhérent et ‘‘a’’ exprimé ; Śatapatha Brāhmaa, X, 4, 3, 9, « Personne ne devient immortel par le corps, mais que ce soit par la gnose ou par les œuvres, seulement après avoir abandonné le corps ».

[15] Vīraj, de qui toutes choses ‘‘traient’’ leur propre vertu ou caractère, est communément une désignation de la Magna Mater, mais même vue ainsi c’est une syzygie « Qui a connue sa dualité dans la progéniture ? » Atharva Veda, VIII, 9, 10. Les termes vīraj et aditi bien que tous les deux féminins, doivent aussi avoir un sens masculin avec une référence similaire au premier principe. Pour maintenir, vraiment,  que tout pouvoir créatif considéré en son aspect créatif puisse être défini comme exclusivement ‘‘mâle’’ ou exclusivement ‘‘femelle’’ implique une contradiction dans les termes, car toute création quelle qu’elle soit est une co-gnition  et une con-ception, même dans la Chrétienté, la génération du Fils est « une opération vitale à partir du principe conjoint » (a principio conjuncto, Somme Théologique, I, 27, 2), c’est-à-dire, un principe qui est les deux, une essence et une nature – « Cette nature par laquelle le Père engendre ». C’est seulement lorsqu’elle s’est réalisée une fois pour toutes, que la puissance créatrice a tous les niveaux de références – soit par exemple, comme Dieu ou Homme – est toujours une unité de principes conjoints, ceci pour dire qu’une syzygie et mithunatva, a la propriété d’être vue a partir de telles expressions comme « Il (Agni) était né de la matrice des Titans » (asurasya jatharāt ajāyata), gveda, III, 29, 14 ; « Mitra verse la semence dans Varuṇa » (reta varuṇo siñcati), Pañcaviśa Brāhmaṇa, XXV, 10, 10 ; « Ma matrice est le Grand Brahman, dedans je met l’embryon », Bhagavad Gītā, XIV, 3 et de nombreuse références similaires à la maternité d’une divinité désignée par des noms grammaticalement masculins ou neutres.

[16] De même dans Plotin, Ennéades, I, 6, 3 ; « Les harmonies inaudibles aux sens créent des harmonies que nous entendons et éveillent l’âme à l’essence en une autre nature », et Ennéades, V, 9, 11 ; « Une représentation terrestre de la musique qu’il y a dans le rythme (chandāsi) du monde idéal ». C’est en ce sens précisément que le rituel de la musique, comme tout autre partie du sacrifice, est une imitation de « ce qui a été fait par les divinités au commencement » (Śatapatha Brāhmaa, VII, 2, 1, 4), ce qui vaut aussi pour la Messe Chrétienne ou Sacrifice. On peut constater que par l’observation des principes conjoints, nous concevons nécessairement, l’un comme actif et l’autre comme passif, et l’on peut dire que l’un est agent et l’autre reçoit. Le conflit apparent de la doctrine chrétienne, laquelle dénie un ‘‘pouvoir passif’’ en Dieu (Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, 41, 4, ad2) n’est pas réel. Saint Thomas d’Aquin fait lui-même la remarque que « dans chaque génération il y a un principe actif et un principe passif » (Somme Théologique, I, 98, 2c). Le fait est qu’une distinction de cette sorte est due à la nécessité de parler en termes de temps et d’espace ; alors que in divinis l’action est immédiate, et il n’y a pas de réalité, mais seulement une distinction logique d’agencement à partir des moyens. Savitṛ et Sāvitṛī sont tous deux également des ‘‘matrices’’ (yonī, Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, IV, 27). Si « L’un est acte de perfection (kartā), l’autre le favorise » (gveda, III, 31, 2 ou « L’un est l’artiste des actes saints, l’autre doit être enrichi » (kartā […] ndhan) et les deux ont des actes actifs, ce qui ne signifie pas que ni ‘‘l’acte’’ ou ‘‘l’acteur’’ représentent des possibilités qui doivent ou ne doivent pas avoir été réalisés, mais seulement se référent à une co-opération des principes conjoints, intention et pouvoir. Il n’ya pas de distinction de potentialité provenant de l’acte. C’est seulement lorsque la création a pris place, que les concepts d’espace et de temps sont par conséquent impliqués, que nous pensons à un puro atto comme séparé de la potenza par la mensuration de tout l’univers. (Dante, Paradis, XXIX, 31-36), du Ciel et de la Terre comme « se conduisant à part » (te vyadravatām, Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, I, 54) ou de « la Nature comme descendant à la ressemblance de Dieu » (Somme Théologique, I, 14, 11). Cette séparation (viyoga) est l’événement de la Souffrance Cosmique (traiśoka, la souffrance des Trois Mondes qui étaient un, Pañcaviśa Brāhmaṇa, VIII, I, 9, loka-dukha, Kaha Upaniṣad, V, 11), et il n’est pas étonnant que « Lorsque la paire conjointe fut partagée, les Devas gémissaient, et dirent ‘‘laissez-les être encore mariés’’ » (gveda, X, 24, 5), c’est cependant, seulement ‘‘au croisement des voies’’, ‘‘à la fin des mondes’’ que le Ciel et la Terre « s’étreignent » » (Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, I, 5, etc.), seulement ‘‘dans le cœur’’ que le mariage d’Indra et Indrāṇī est réellement consommé (Śatapatha Brāhmaa, X, 5, 2, 11), c’est-à-dire dans un silence et une obscurité qui sont identiques à cette « Nuit qui cache l’obscurité de la partie conjointe » dans gveda, I, 123, 7, le Śatapatha Brāhmaa interprétant cette condition d’une co-gnition non consciente (savit) béatitude parfaite (paramānanda), et sommeil (svapna) comme une « entrée dans, ou possédé par, ce qui est notre véritable nature (svāpyaya) (Cf. ṇḍūkya Upaniṣad, II, apīti).

 

[17] Le Sacrifice en son aspect liturgique est « donner naissance au moyen de la Parole » ; on « chante le Sāman sur un c », et il s’agit d’une copulation procréative (mithunam), identique à celle de l’Intellect et de la Parole (manas et vāc), Sacrifice et Guerdon [‘‘récompense’’] (yajña dakinā, c’est-à-dire Prajāpati et l’Aurore), et littéralement une in-form-ation de la nature de la Nature, « s’il n’y a pas l’Intellect, la Parole ne serait pas cohérente » (Śatapatha Brāhmaa, III, 2, 4, 11) alors il s’agit en fait le ‘‘lieu de naissance de l’Ordre’’. Le Rathantara, par exemple, est un « moyen de procréation » (prajanam, Pañcavimśa Brāhmaa, VII, 7, 16, qui correspond au prajanam comme ‘‘maîtresse’’ viśpatnī, la ‘‘mère’’ d’Agni dans gveda, III, 29, 1) ; Sāvitṛī en ce sens est identifiée au mètre (chandāsi) et nommée la ‘‘Mère des Vedas’’ (Gotapatha Brāhmaa, I, 33 et 38), lesquels ‘‘mètres’’ sont référés habituellement comme un excellent moyen [En français dans le texte. NdT] de réintégration (saskaraṇa, Aitareya Brāhmaa, VI, 27, Śatapatha Brāhmaa, VI, 5, 4, 7, etc.), et dans sa conjonction avec Savitṛ présente une analogie avec l’Église Gnostique (‘‘L’Église Mère’’) et la Gnose comme constituant avec l’Homme (ἄνθροπως = Prajāpati, Agni, Manu) une syzygie. Avec ce lien on peut également noter la proximité des mots mātrā, māt et māyā, ‘‘mètre’’, ‘‘mère’’ et ‘‘moyen magique’’ ou ‘‘matrice’’ ; pour ‘‘mesure’’ et nir-mā, pour ‘‘mesurer’’ étant constamment employés, non pas seulement dans le sens des donner une forme ou une définition, mais plus précisément dans un sens de création ou donner naissance à,  notamment dans gveda, III, 38, 3 ; III, 53, 15 ; X, 5, 3 ; X, 125, 8 ; Atharva Veda,  VIII, 9, 5, et dans l’expression bien connue nirmāa-kāya, dénotant avec précision le ‘‘corps’’ supposé et réellement manifesté et né du Buddha. Le Sacrifice et la naissance sont des concepts inséparables ; le Śatapatha Brāhmana, propose en effet une hermeneia, « yajña, car ‘‘yañ jayate’’’ ». Le Sacrifice est une division, une ‘‘fraction du pain’’ ; le produit est articulé et articule. Le Sacrifice est un étalement, la production d’un tissu ou d’une toile de la Vérité (satya tanavāmahā, Śatapatha Brāhmaa, IX, 5, I, 18), une métaphore couramment employée par ailleurs en rapport avec le rayonnement de la lumière frontale, qui forme la texture des mondes. Comme le petit bois d’allumage d’Agni rend perceptible et évidente la lumière cachée, ainsi l’expression des chants rend perceptible un silence principiel du son. La Parole prononcée est une révélation du Silence, qui mesure la trace de ce qui en lui-même est non-mesurable.

 

 

[18] (Prajāpati choisit anirukta sāmno […] svargyam, « (la partie) indistincte du sāman qui appartient au Ciel », Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, I, 58, 6, voir. Śatapatha Brāhmaa, IV, 6, 9, 17 et la note d’Eggeling sur manasā stotra, et aussi Jaiminīya Upaniad Brāhmaṇa, I, 40, 4.).

[19] pṛṣthe, c’est-à-dire, soit 1/ en référence à Agni étant assis sur l’autel de la terre (vedi) qui est son lieu de naissance (yoni), et/ou 2/ en référence à Agni qui est soutenu par le Pṛṣṭhastotra, dont l’hymne de la Gāyatrī est la mère par Prajāpati, Pañcaviśa Brāhmaa, VII, 8, 8.

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