Ananda K. Coomaraswamy. L’âme immortelle comme psychopompe.

(Traduction d’un chapitre de Guardians of the Sun-Door, édité par Robert Strom)

 

 

L’âme immortelle comme psychopompe

 

Nous avons parlé jusqu’à présent de l’âme emportée par des puissances ailées autres qu’elle-même. Mais l’âme elle-même est un « oiseau », aussi bien du point de vue grec que de celui des traditions indiennes et autres ; et quand ses ailes ont poussé, c’est à partir de celles-ci qu’elle s’envole[1]. Mais de telles âmes ont « peur de l’invisible et de l’Hadès »,[2] et sont attachées aux choses terrestres, s’attardent en bas, « et volent autour des monuments et des tombes où leurs fantasmes sombres (σκιοειδη φαντάσματα) ont été vus » – car les âmes qui sont mortes non purifiées et participent encore au monde perceptible ont cette sorte d’image (εἴδωλα)[3]. Ce n’est qu’après beaucoup de retard et de résistance qu’une telle âme est « emmenée avec violence, ainsi, par son daimon désigné » ; tandis que « l’âme ordonnée et intelligente suit son guide (ἡγεμών) et comprend ce qui se passe »[4]. Nous savons qui est ce guide, car il vient d’être dit[5] qu’« après la mort, le daimon de chacun (ὁ ἑκαστου δαίμων), à qui il a été attribué dans la vie, le conduit au lieu où les défunts doivent être rassemblés et jugés » après quoi ils sont pris en charge par deux autres guides, dont l’un les conduit à leur place dans l’Hadès et l’autre les ramène à la naissance « après de longues périodes »[6]. De plus, nous savons qui est celui qui s’appelle « le daimon de chacun » ou comme nous devrions le dire en Inde : Yakṣa, genius, et ārakkha devatā, « ange gardien »[7]. Car « Dieu a donné à chacun de nous son daimon (δαίμονα θεὁς ἑκαστω δέδωκε), cette forme[8] (εἴδος) de l’âme qui est logée au sommet (έπ ἄκρω)[9] du corps, et qui nous soulève […] de la Terre vers notre parenté au Ciel », et celui « qui tend toujours vers cette divinité (θεἲον) et divertit bien (εὒ […] κεκοσμημένων) le daimon qui y habite, sera un homme heureux » (εύδαμονός)[10].

Poursuivons maintenant les implications des mots έπ άκρωτώ σώματι et άκροπόλις dans les contextes précédents. Le « sommet du corps », qui est le siège du daimon, la partie la plus seigneuriale de l’âme (ut supra), « le principe immortel de l’âme » (άρκἡ φυϰἢς άθάνατον[11], Timée, 69c), « notre partie immortelle à qui on doit obéir en tant que Loi » (Lois, 714) et « le Soi réel en chacun de nous » (τὁι δέ ὄντα ἑκαστον ὄντως, Lois, 959b)[12] est, bien sûr, la « tête » (κεφαλή), qui est « un corps sphérique à l’imitation de la figure sphérique de l’Univers, et maintenant nous l’appelons « tête » car c’est la partie la plus divine et le dirigeant de l’univers en nous » (Timée, 44de)[13].

Observez que l’expression « tête » ne signifie pas ici simplement le crâne, mais également métaphoriquement la « tête de la communauté » ; et qu’en fait le principe immortel, divin et seigneurial, qui est aussi la plus petite que l’on peut opposer à la multitude du reste (La République, 431c) est « logée » (προσωκο δομέω, Timée, 69c) et « habite avec » (σύνοικον έω αύτὢ) Timée, 90ac etc.) l’âme mortelle dans la maison microcosmique du corps[14]. En gardant cela à l’esprit, nous ne pouvons manquer de voir que dans : έπ άκρω τὢ σώματι […] κεφαλή […] θειότατον […] κυφιωτάτον […] ούναικον pris ensemble, sont pour le moins évocateurs du κεφαλἡ γωνίας […] ὄντος άκρογωνιαίον αύτοὢ ϰριστοὒ ἴησοὒ έν ᾡ πἂσα οἰκοδομἡ συναρμολογουμ ένη άυξει είσναὁω ἄγιου έν κυρυᾠ, έν ᾡ καἱ ὑμεἲς συνοικοδομεἲσθε είς κατοικητήσιον τοὒ θεοὒ ἐν πνεὐματι, Évangile de saint Luc, XX, 17 et Épître aux Éphésiens, II, 20. De même pour Platon et dans le Nouveau Testament, la divinité immanente est le « sommet » ou la « tête » du composite microcosmique, de même que le Soleil Intelligible est le sommet, la tête et le foyer de tout ce qu’il éclaire dans le macrocosme.

Le Professeur E. Panofsky[15], René Guénon[16] et moi-même, ayant qualifié le lapis in caput anguli de « clef de voûte », et le considérant comme tel, avons trouvé très intéressant que Pausanias (Description de la Grèce, IX, 38, 3) se réfère à « la plus haute des pierres » d’un bâtiment rond avec un sommet assez émoussé comme l’« harmonie (άρμονία) de l’ensemble du bâtiment ». Le mot άρμονία signifie à la fois « fixation », « lien » et « harmonie », le point auquel ils sont « harmonisés ». Miss Jane Harrison rend assez correctement le mot par « clef de voûte » (Themis, p.401). En ce sens, le mot est l’équivalent précis du kaṇṇikā indien, ou plaque de toit d’un bâtiment en forme de dôme, par lequel les chevrons du dôme sont supportés et dans lesquels ils se rencontrent et sont unifiés. Nous avons montré qu’une telle plaque de toit était le symbole du Soleil, qu’elle était perforée et qu’elle pouvait servir de sortie à ceux qui possédaient les pouvoirs de vol requis[17]. Dans ce sens architectural, le Soleil est décrit comme une harmonie par Denys l’Aréopagite, Des noms divins, ch. IV : « Le Soleil se nomme ainsi (ἥλιος) car il récapitule (αολλψποιεἲ) toutes les choses et unit les éléments dispersés de l’âme, ainsi réunit tous les êtres spirituels en l’un »[18]. Le Soleil est , en effet, « l’Esprit de tout ce qui est en mouvement ou au repos » (Ṛgveda, I, 115, 1) et la « fixation » à laquelle toutes choses sont liées par ses rayons ou fils de la lumière pneumatique[19] dont il est lui-même le « septième et le meilleur ». (Śatapatha Brāhmaṇa, I, 9, 3, 10, VI, 7, 1, 17, VIII, 7, 3, 10, X, 2, 6, 8 etc.)[20]. Le Soleil comme « harmonie », dans ce sens, est manifestement le principe unique « en qui vous êtes tous construits ensemble»[21].

Or, nous avons vu que la plaque de toit dans une structure en forme de dôme – que ce soit celle d’un bâtiment réel ou celle du cosmos – est généralement perforée, l’ « œil » du dôme étant en fait ou en partie le foramen ou une petite tour à ouvertures [luffer] par laquelle s’échappe la fumée du foyer située au-dessous, et en même temps la « lumière » par laquelle l’intérieur est éclairé. On trouve en conséquence διά τἢς όπαίας κεραμίδος = « à travers la tuile avec des yeux » = διά τἢς καπνίας, « à travers la petite tour à ouvertures [luffer] », et όπή « trou ou œil dans le toit servant de cheminée » = κάπνη, καπνο, σόϰη (en sanskrit dhūma, nirgamana)[22]. Le Soleil est « un œil d’or » (ϰρυσωπός)[23].

A partir d’Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, I, 12-30, on peut citer un magnifique passage dans lequel l’ἁρμονία cosmique est bien l’ « œil » à travers lequel le Fils de Dieu arpente tout ce qui est « sous le Soleil »[24]. Ici l’homme de substance éternelle qui est « le Fils et Image de Dieu, l’Esprit premier, le Père de toutes choses, celui qui est Vie et Lumière », alors qu’il est encore « dans la sphère du démiurge (Dieu, comme je l’ai déjà dit)[25], lui-même a trop voulu créer (δημιουρνεἲν)[26] ; et le Père lui a donné la permission […] (en conséquence) il a voulu percer les orbites des Gouverneurs (τὢ διοικητόρων)[27], et ayant tout pouvoir sur les êtres vivants mortels et irrationnels dans le Cosmos, il se pencha et regarda à travers l’Harmonie (διἁ τἢς ἁρμονἰας)[28], traversa la coupole [copula] (τὁ κύτος)[29], et montra à la Nature tendant vers le bas la belle forme de Dieu. Et la Nature, voyant la beauté de la forme de Dieu, sourit d’un amour insatiable à l’Homme, montrant le reflet de cette plus belle forme dans l’eau[30] et son ombre sur la Terre ». En raison de l’union de l’homme avec la Nature, l’homme est mortel en ce qui concerne son corps et immortel en ce qui concerne l’Homme, qui est « né esclave du Destin[31], mais aussi exalté au-dessus de l’Harmonie ». Lorsque les premiers êtres bisexuels ont été séparés en tant qu’homme et femme, alors « Dieu sachant cela (ἡ πρόγοια, Providence)[32], travaillant au moyen du Destin et de l’Harmonie (διἁ τἢς είμαρμένης καί ἁρμονίας)[33], provoqua des unions entre l’homme et la femme et fixa les naissances au début »[34]. Quand tout cela a été dit, Hermès Trismégiste demande à être informé sur « la voie ascendante de la Naissance[35], comment puis-je participer à la Vie ? »  Poimandrès répond, « A la dissolution de votre corps Hylique […] les sens corporels retournent à leurs propres sources devenant des parties du Cosmos, et entrant dans de nouvelles combinaisons afin de faire un autre travail ; les parties courageuses et désireuses[36] reviennent à la nature irrationnelle et il reste donc à l’Homme de faire l’ascension par la voie de l’Harmonie[37]. En passant par les sphères des sept planètes, il « est dépouillé de tout ce qui a été opéré sur lui par l’Harmonie »[38], et ainsi « atteint la huitième nature, possédant sa propre Puissance […] et il chante avec ceux qui sont là […] Et étant fait comme ceux avec qui il est, il entend les Puissances qui sont au-dessus de la substance de la huitième nature. Et de temps en temps, dans ordre, ceux-ci montent vers le Père, ils se livrent (ἑαυτοὑς παραδιδόασι) aux Puissances[39], et devenant eux-mêmes des Puissances, naissent en Dieu (έν θεὢγίνονται). Il s’agit du Bien, la Perfection (τέλος) de ceux qui ont obtenu la Gnose [Gnosis] » (γνὢσις = jñāna).

Dans Hermetica, Leg, XI, Hermès Trismégiste décrit à nouveau l’excursion de l’âme hors du cosmos, dont elle veut sortir (εί δεβουληθειυς […] διαρρ – ή ξασθαι) tout comme l’homme avait voulu au début entrer par effraction (ηρολήθη αναρρήξαι, Lib, I, 13b). « Dites à votre âme de voyager vers n’importe quelle terre de votre choix » dit-il, « et plus tôt que vous ne lui proposez de partir, elle sera là[40] […] Offrez-lui de voler vers le Ciel et elle n’aura pas besoin d’ailes ; rien ne peut barrer son chemin[41], ni le feu du Soleil, ni le vortex (δίνη) des planètes ; se frayant un chemin à travers tout cela, elle volera jusqu’à atteindre le plus à l’extérieur de toutes les choses corporelles[42]. Et si vous souhaitez sortir du Cosmos lui-même, cela vous est permis » (Lib, XI, ii, 20a).

Bien que – comme nous l’avons vu jusqu’à présent – l’ « Harmonie » solaire soit avant tout architecturale, il faut montrer qu’une interprétation du mot dans son sens secondaire et plus familier de « syntonisation » musicale, ou peut-être tonique ne serait pas incorrecte ; et que l’Harmonie solaire est en fait la « Musique des Sphères ». Dans l’hymne de louange au Soleil (Lib, XIII, 17f), nous trouvons : « Que toute barrière de l’univers me soit ouverte[43]. Je suis sur le point de chanter Sa louange qui est à la fois le Tout et l’Un. Soyez ouverts, Ô vous Cieux et Vents, soyez tranquilles, que l’Orbe Immortelle[44] reçoive ma parole (λόγος) […] De vous vient le chant de louange et vers vous il procède […] c’est ta Parole (λόγος) qui à travers moi chante ta louange ; car par toi,  Ô Esprit, mon discours est guidé[45]. Par moi, accepte tout le sacrifice verbal (λογικἡν ουσίαυ)[46] ; car le Tout vient de toi, et vers toi le Tout revient. Ô lumière, illumine l’Esprit[47] qui est en nous […] j’ai vu […] je renais. »

Nous avons vu que l’âme est une « répartition » de la nature éthérée[48], c’est-à-dire de la divinité ; et le lien étymologique de μοἲρα avec είμαρμένη dont il est le porteur, sera évident. Toute la conception est platonicienne, pour lui c’est le fait que « l’homme participe à un héritage divin (μοἲρα) qui fait de lui un parent (σθγγενής, apparenté) de Dieu et le seul des êtres vivants qui reconnaisse les dieux »[49], – fait de lui, c’est-à-dire, un animal religieux, lié et attaché à la vie dont il est originaire[50]. C’est en vertu de la présence de ce « Même et Uniforme en lui » que l’homme peut régner par la Raison (λόγω κρατήσας) sur la masse irrationnelle composite des quatre éléments dont il est composé[51]. En d’autres termes, le Logos immanent, la raison gouverne ainsi la Nécessité (άνάγκη, karma) par laquelle nos naissances sont déterminées, de manière à conduire les plus grandes parties des êtres nés[52]  à une fin meilleure. Car celui qui a engendré toutes choses, ayant dit que « par ma Volonté (βουγἡσις) vous avez un lien (δεσμός) plus puissant et plus souverain que ceux avec lesquels vous étiez liés à la naissance […] a déclaré aux âmes (créées) les Lois du destin (νόμος τετοὑς εἱμαρμένοας) […] comment chacun était lié (δέοι), alors que chacun avait été semé dans son propre organe temporel (c’est-à-dire un corps approprié), afin de devenir le plus vénéré de Dieu (θεοσεβέστατον) des êtres vivants »[53].

Or, quand l’ « Âme immortelle qui est notre véritable Soi s’en va (άπιέν αι = sanskrit praiti) » vers d’autres dieux[54], afin de leur rendre son compte[55] elle est considérée comme « ascendante », et comme il est déjà au sommet du corps, nous pouvons supposer que ce qui est explicite dans les textes sanskrits, à savoir que le départ du vrai Soi se fait par le foramen scapulaire, comme par l’ « œil » du dôme crânien, est implicite dans nos sources grecques. Le départ du microcosme corporel dans lequel le principe immortel a été « logé » est analogue à  « perçant le toit en forme de dôme d’un bâtiment » indien[56], et « franchissant la Porte du Soleil, la Porte du Monde »[57] par ceux des défunts qui en sont « capables »[58]. N’oublions pas non plus que le Christ est « Le Soleil des hommes »[59] et dit : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage » (Évangile de Jean, X, 9). Dans le symbolisme de l’Église, cela peut être interprété comme se référant à la fois à la porte habituellement occidentale qui permet d’entrer dans l’église au rez-de-chaussée (comme dans le Pasteur d’Hermas, Sim, IX, 12) et plus éminemment à la porte qui est représentée par l’œil du dôme au-dessus de l’autel. C’est par la première porte que nous allons vers Lui à l’autel ; et par la seconde au Père auquel « nul ne vient au Père sinon par Moi » (Évangile de Jean, XIV, 6), et comme le dit Maître Eckhart (Éd. Evans, I, 275) cette « percée » et cette seconde mort de l’âme sont « beaucoup plus mémorables que la première ». Il y a deux choses à dire à ce sujet, d’abord que la demeure du Père est dans le coelum empyrium[60] et au-delà du Soleil, et deuxièmement, qu’elle ne peut être connu que comme semblable, ceux qui sont capables de traverser le Soleil doivent être ceux qui ont accompli le commandement : « Vous donc, vous serez parfait (τέλειοι) comme votre Père céleste est parfait » (τελεί ως, Évangile de Matthieu, V, 48)[61].

Nous sommes maintenant mieux placés pour examiner le récit de Platon sur l’excursion de l’âme parfaite hors de l’univers, décrite dans le Phèdre, 246bcd : « Toute âme […] circule dans l’univers entier, en s’y présentant tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Or, lorsqu’elle est parfaite (τελέα) et posséde ses ailes, c’est dans les hauteurs qu’elle chemine, c’est la totalité du monde qu’elle administre (διοικἳ)[62]. Quand, au contraire, elle a perdu les plumes de ses ailes, elle en est précipitée, jusqu’à ce qu’elle se soit saisie de quelque chose de solide, une fois qu’elle y a installé sa résidence, qu’elle a revêtu un corps de terre[63], auquel le pouvoir appartenant à l’âme donne l’impression de se mouvoir, c’est à cet ensemble formé d’une âme et d’un corps, qui est un assemblage, que l’on a donné le nom de ‘‘vivant’’, c’est lui qui possède l’épithète de ‘‘mortel’’ […]».

Maintenant, le grand maître du Ciel, Zeus, conduisant un char ailé, passe en premier, ordonnant et prenant soin de toutes choses. Il est suivi par une foule de dieux et de Daimons, répartis en onze divisions […] Il y a beaucoup de choses bénies et de nombreux chemins dans le Ciel (έοντὁς όυρανοὒ), le long desquels les dieux béatiques vont et viennent, chacun faisant ce qu’il doit faire[64], et quiconque a toujours à la fois la volonté et le pouvoir[65], suit ; car la jalousie est exclue du chœur divin. Mais quand ils vont à un festin ou à un banquet, ils gravissent les hauteurs, jusqu’à atteindre le sommet de la voûte du Ciel (ἄκραν ὑπὁ τἡν ὑπουπάνιον ἁψἲδα)[66], où les chars des dieux, dont les chevaux bien assortis obéissent aux rênes, avancent facilement, mais où les autres le font avec difficulté, car le cheval de mauvaise nature est lourd, pesant sur la Terre le conducteur du char dont le cheval n’est pas bien dressé[67], là, un plus grand travail et un plus gros problème attend l’âme. Mais ceux que nous nommons immortels, lorsqu’ils parviennent au sommet (πρὁς άκρῳ νένωνται)[68] passent à l’extérieur et prennent leur place sur le dos du Ciel […] et ils voient les choses qui sont au-delà du Ciel. Mais la région au-dessus du Ciel (τὁν δἑ ὑπερουράνιαν τολὁν) n’a jamais été chantée dignement par aucun poète terrestre, ni ne le sera jamais […] car l’essence incolore, sans forme et intangible qui existe vraiment, dont toute vraie science (έπιστήμη) est concernée, détient cette région de l’âme et n’est visible que par l’Esprit (νοὒς), le pilote de l’âme[69].

Maintenant l’intellection d’un dieu, nourrie comme elle est par l’Esprit et la pure Connaissance […] n’est pas une connaissance qui a un commencement et varie lorsqu’elle est associée à l’une ou l’autre des choses que nous[70] nommons réalités, mais ce qui est réel et absolu ; et de la même manière il voit et se nourrit des autres réalités absolues, après quoi il repasse dans le Ciel, il rentre chez lui et là le conducteur de char met les chevaux à la mangeoire et « les nourrit d’ambroisie et leur donne du nectar à boire ». Ainsi, les âmes parfaites sont à jamais « sauvées » et « il entrera et sortira et trouvera un pâturage » (Évangile de Jean, X, 9).

Le mot άρμονία est toujours utilisé par Héraclite, je pense, avec une référence directe ou indirecte au Cosmos. Dans le Frg. XLVII, il nous dit que : « L’Harmonie invisible domine (κρείσσων) celle qui est visible ». Il est évident que si une harmonie de sons avait été voulue ici, nous devrions avoir le sens « inaudible » et « audible » tout aussi valable ; mais en fait, par Harmonie invisible[71] nous ne pouvons comprendre que la forme intelligible de l’univers, « celle dont toutes choses procèdent » (Frg. LIX), et dans laquelle elles sont toutes construites ensemble, et par « l’Harmonie visible » le monde lui-même. L’une est « le tableau du monde peint par l’Esprit sur la toile de l’Esprit » (Śaṇkarācārya), « le tableau mais pas les couleurs » (Laṅkāvatara Sūtra), l’autre est son image multiple projetée sur le « mur ».

Les Frgs. XLIII, XLV, XLVI, LVI parlent de l’« Harmonie » des paires d’opposés, qui ont naturellement tendance à se déplacer dans des directions opposées, plutôt qu’à coopérer. Les « paires » sont « les tons hauts et bas », mâle et femelle et les tensions opposées de l’arc et de la harpe. Platon (Le Banquet, 187) et Plutarque (Moralia, 396) comprennent que la référence est celle des paires d’opposés dont l’univers est construit, et qui, si elles ne sont pas composées, demeurent inefficaces et non génétiques. C’est par l’Éros cosmique, un « maître artisan » (άγα θὁς δημιουργός) qu’elles sont conduites à accepter « l’harmonie et le mélange » (κρἂσις = sanskrit saṃdhi) et c’est précisément avec ces « amours » (έρωτικά = sanskrit mithunāni) que « tous les sacrifices (θυσία) et tout ce qui a trait à la divination (μαντιαή, sanskrit mantraṇa) c’est-à-dire tous les moyens de communion entre les dieux et les hommes » sont employés (Banquet, 188b, 210a). Une déclaration en tous points aussi applicable aux rites indiens qu’aux rites grecs.

A propos des « tensions opposées » d’Héraclite, considérons un instant celles de l’arc. Il y a une corde qui rapproche les deux extrémités de l’arc. Nous n’avons aucune autorité pour dire que ces extrémités peuvent être considérées comme impliquant le Ciel et la Terre, mais nous oserons le dire ; d’autre part, une corde ou un fil est l’un des symboles les plus universel de l’Esprit, avec une référence particulière à la « traction » par laquelle il tire et maintient toutes choses ensemble, et à laquelle « tirer » dans le cas présent s’oppose à la « poussée » de l’arc (La République, 439b). Qu’on puisse en dire autant de la lyre serait plus évident si l’on pouvait supposer que cet instrument est, au moins à l’origine un Bogenharfe sumérien ou comme une vīṇā indienne. Dans un tel instrument, les tensions opposées sont celles des cordes et du corps de l’instrument ; ce corps, cependant, se compose en réalité de deux parties, l’une est le ventre qui représente les parties inférieures du corps, et l’autre est le cou et la tête qui représentent la partie supérieure. Comme pour l’arc, vraisemblablement l’archétype de tous les instruments à cordes, c’est l’‘‘Esprit’’ qui relie les extrêmes. Il en sera de même, mais de manière moins évidente, pour la lyre dans sa forme classique, et en fait à presque tout instrument à cordes dans lequel la tension d’un corps en bois s’oppose à celle d’une corde ou d’un fil. Ce n’est, en tout cas, que lorsque ces tensions ont été dûment réglées par un « bon artiste », qui doit être « le disciple de l’Amour », qu’un résultat est obtenu ; il en résulte soit le vol de la flèche (le symbole régulier du « mot ailé » dirigé vers sa cible), soit la production de sons musicaux. Il n’est pas étonnant, en effet, que le tir à l’arc et la musique aient été si souvent les véhicules de l’enseignement initiatiques le plus élevé[72].

Nous avons à présent considéré l’ « Harmonie » à partir de plusieurs points de vue. Et comme ce n’est pas seulement comme contribution à l’histoire de l’architecture que le présent article a été rédigé, rappelons-nous que l’ « Harmonie » est pour Pausanias le nom de la clef de voûte du bâtiment actuel. Car l’histoire de l’art, quant aux origines de ses formes, ne peut jamais être comprise par une analyse de ses développements ultérieurs, élaborés et relativement dépourvus de sens. Comme Andrae l’a si bien dit : « Les formes sensibles, dans lesquelles il y avait d’abord un équilibre polaire entre le physique et le métaphysique, ont été de plus en plus vidées de contenu avant de nous parvenir »[73]. Si nous voulons comprendre l’histoire des portes, des piliers et des toits, il ne suffira pas de considérer uniquement leurs fonctions physiques, nous devons également considérer le macrocosme auquel ils sont analogues[74] et le microcosme pour lequel ils ont été construits, non pas comme nous le concevons, mais en accord avec la pensée de l’homme primitif, toutes ces utilités ont été conçues afin de « satisfaire ensemble les besoins du corps et de l’âme ». Pour comprendre son économie, nous devons d’abord comprendre ce « plan de création » dont les premiers Pères chrétiens parlaient constamment comme « d’économie »[75], sachant que l’univers voûté est la première maison jamais construite et l’archétype de toutes les autres.

 

 

 

[1] Phèdre, 247, 248. Anthologie Palatine, VII, 62.

[2] Il y a un jeu de mots sur άειδής « sans forme » (voir Philon, De gigantibus, 54) et Αιδης « Hadès », les deux impliquant « invisible » ou « inconnu » ; mais ailleurs Platon pense que l’Hadès n’est pas ainsi nommé par rapport à son invisibilité (άειδές) mais « connaître (εἴδέναι) toutes choses justes », et qu’il est le sophiste et philosophe parfait, un bienfaiteur ici et dans l’autre monde, où il ne s’associe qu’à ceux qui sont purs de tous les maux et désirs du corps ; et personne ne désire jamais, « ni les sirènes elles-mêmes, quitter cet autre monde qui est le sien, où il retient ses invités dans des liens (δήσας) par leur désir de vertu » (Cratyles, 403e-404ab). Cette explication est probablement « herméneutique » (nirukta, nirvacana) plutôt qu’« étymologique » ; la racine dans tous les cas est celle du sanskrit VID-, en anglais wit etc. Hadès (ou Pluton) a l’origine fils de Chronos et frère de Zeus, ou identifié à lui (voir. Euripide, J. H. Nauck, Frg.912, Justin, Cohort, C, 15) ou au Soleil (voir G. H. Macurdy ; Troy and Paeonia, ch.iii (1925), ou à Dionysos (Héraclite, Frg.CXXVII) et correspondant au Yama indien, Dieu de la Mort et associé à Varuṇa au Paradis, est pour Platon plus souvent le lieu que la personne ; et en tant que lieu, l’un des plus heureux et plus grand que celui de ce monde, et où seule la vraie Sagesse se trouve (Apologie, 41 ; Phédon, 63 etc.) Seuls ceux qui ont fait le mal ont à craindre. (Platon, Les Lois, 959b).

[3] Le contraste entre des formes aussi glauques que celles-ci, et aussi rayonnantes (εἴδωλα) comme celle d’Hélène que Zeus révèle à Ménélas « dans les plis de l’Éther », c’est-à-dire de la Lumière. En général, bien que pas nécessairement, εἴδωλον représente les réalités des choses, et φαντάσμα nos simples appréhensions ou impressions des choses (voir. La République, 520c, avec σαιοειδἢ ; La République, 532b, μεταστροθή άπό τὢν σκιών).

[4] Phédon, 108ab.

[5] Phédon, 107d.

[6] Phédon, 107d ; Les Lois, 732c. Dans La République, 617e, 620e, cependant chacun choisit son propre daimon et sa vocation. Pour les deux « autres guides », voir. La République, 617dff, et le Fragment Hermétique, XXVI, Scott, Hermetica, I, p.616 : « Car il y a deux gardiens de la Providence universelle, l’un le guérisseur des âmes (ψυϰοταμίας) et l’autre le conducteur des âmes (ψυϰοπομτός) […] qui agissent tous deux selon l’Esprit de Dieu ».

L’espace attribué dans l’« Hadès » (« l’autre monde ») correspond aux déserts de l’âme, ceux qui ont mal agi étant envoyés en bas, tandis que ceux qui ont bien agi sont conduits à la surface de « la terre pure qui est au Ciel, ceux qui parlent de telles questions nomment l’Éther » (Phédon, 109c).

Pour « les longues périodes », voir. Bhagavad Gītā, VI, 4 et Eusèbe De Césarée, Praeparation Evangelica, XV, 1. Ces périodes sont de « mille » ans (Phèdre, 249ab ; La République, 615a), la durée d’un Kalpa ou « un jour de Brahma », (Bhagavad Gītā, VIII, 17). Ou Yahve (Les Psaumes, 90, 4 ; Deuxième Épître de Saint Pierre, III, 8) et un Aeon des dieux et de Prajāpati (Śatapatha Brāhmaṇa, XI, I, 6, 6, 14), la Grande Année, tandis que la vie de l’homme est identique pour Platon et pour les brahmanes d’une centaine d’années humaines, ce « ne pas mourir » (prématurément) ici correspond à une « immortalité » là-bas. Pour le terme « assemblé » voir le sanskrit Yama, comme saṃgamana.

[7]  Le Yakṣa sanskrit et le δαίμον grec ont des significations presque identiques, de « Dieu » à « Esprit » de toute qualité. Voir. Ananda K. Coomaraswamy, « Yakṣa of the Vedas and Upaniṣad », Quaterly Journal of the Mythic Society, XXVIII (1938), plus particulièrement les pages 231-240 et la note 21 (auxquelles il faut ajouter Samyutta Nikāya, I, 32 : « Qui est ce Yakṣa qui ne désire pas de nourriture ? » et Majjhima Nikāya, I, 136, le Buddha comme Yakṣa āhavanīya à qui l’oblation est due). Pour le Yakṣa comme ange gardien (comme dans Hésiode, Les travaux et les jours, 121f ; Platon, Phédon, 620e : δαίμον […] φύλαξ et Ménandre, Frg. 550, 551 δαίμω άνδρί […] μυσταγωγος). Voir. Ananda K. Coomaraswamy, Yakṣas, I, pp.13-16, 31 (Washington. 1928).

[8]  Il existe deux « formes » de l’âme : charnelle et spirituelle, mortelle et immortelle (Timée, 90d ; La République, 439e et Phédon, 79ab). Quand Platon parle aussi de trois sortes de castes (γένος) dans l’âme, il y a division de l’âme mortelle en une partie meilleur et une pire, θυμος et επιθυμια.

[9]  « Logée au sommet », c’est-à-dire dans la tête ; lorsque l’homme est pensé comme une « cité » (πολις = pura), alors c’est pour la meilleure partie de l’âme mortelle d’entendre, d’obéir et de servir « la parole de l’Acropole » (Timée, 70a). C’est-à-dire, la voix de la conscience (συνεσις qu’Apulée a identifié à juste titre au « Dieu de Socrate » (voir. Les Lois, 969c ; Timée, 90c).

[10]  « Heureux » est le rendu normal de εὑδαιμουος (Voir. Cratyle, 398bc).

[11]  ἠγεμονικόν, ψυϰἡψυϰἡς de Philon, Quis rerum divinarum heres sit, 55. ātmano’tmā netā amṛtākhyaḥ, Maitri Upaniṣad, VI, 7 (« Soi du soi, dirigeant immortel »).

[12]  La doctrine des « deux soi de l’homme », à propos de laquelle la question est souvent posée : « Par quel soi atteint-on le sommum bonum ? » ou « En qui, lorsque je partirai d’ici, irai-je ? » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 3, 7 ; Praśna Upaniṣad, VI, 3, et dans le Bouddhisme le Sutta Nipāta, 508). Les deux soi, qui sont nés respectivement des matrices humaines et divines de Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 17 (voir. JAOS, XIX, 115) et dans l’Évangile de Jean, III, 6 : « Celui qui est né de la chair est chair, celui qui est né de l’Esprit est esprit. »

[13] Voir. Maitri Upaniṣad, VI, 7 : « La lumière du monde est la tête du corps cosmique de Prajāpati, et dans la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, II, 1, 2 : « La Personne qui est là-bas dans le Soleil […] Je l’adore comme la tête et le roi exceptionnel de tous les êtres ». Dans le rituel sacrificiel, parce que ce corps a été décapité par la séparation du Ciel et de la Terre au commencement, un rôle important est joué par les rites « de la tête » (Webster, 2), le sacrifice dans lequel le corps du Sacrificateur et de la Déité sont reconstitués simultanément.

[14] Tout comme dans les textes indiens le Ciel et la Terre, Sacerdotum et Regnum, quand le daivaṃ mithunam = ίερος γάμος a été célébré, sont dits « cohabitants » (samokasā) ici dans le royaume ou dans le corps individuel.

[15] Art Bulletin, XVII, p.450.

[16]  « La pierre angulaire », Études Traditionnelles n° 45 (Avril-Mai 1940).

[17]  Dans Le Symbolisme du Dôme, trad.fr. La Porte du Ciel, éd. Dervy.

[18] Basé sur Cratyle, 409a, où ἤλεος, le dorique ἅλιος « pourrait être dérivé du rassemblement (ἁλιςειν) d’ hommes quand il se lève ». De même, dans nos sources sanskrites, où le Soleil est identifié au prāṇa, « le Souffle de vie » », prāṇa dérive de prāṇī « conduire », voir. Praśna Upaniṣad, I, 8 : « Ce Soleil surgit comme la vie (prāṇa) des êtres » et Aitareya Brāhmaṇa, V, 31 : « Le Soleil qui se lève conduit (prāṇyati) toutes les créatures, c’est pourquoi on le nomme le ‘‘Souffle’’ (prāṇa) ».

[19] Conformément à la doctrine bien connue du « fil de l’Esprit » (sūtrātman) (loc.cit. et Atharva Veda, X, 8, 38 ; Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, III, 4, 1 ; Bhagavad Gītā, VII, 7 : « tout ceci est enfilé sur moi […] »). Et Tripura Rahasya, IV, 119 ; Platon, Les Lois, 644de, Théétète, 153cd ; Évangile de Jean, XII, 32, Shams-i-Tabriz (dans Nicholson, Odes, 28) : « Il m’a donné le bout d’un fil d’or […] » (Hafiz, I, 386, 2) ; William Blake : « je te donne le bout d’une corde en or […] ».

[20]  Les six rayons sont les six directions (Est, Sud, Ouest, Nord, Zénith et Nadir) de la croix cosmique (dont la croix à deux bras est un diagramme en plan), le septième le point solaire de leur intersection correspondant aussi au « clou de la croix » dans les Actes de saint Pierre. C’est sur cette base cosmique que dépend l’importance du chiffre sept dans toutes les autres relations. Ces formulations sont de la plus haute importance pour le théologien et l’iconographe. Par exemple, les représentations médiévales des « Sept dons de l’Esprit » (E. Mâle, L’art religieux en France au XIIIème siècle, fig.91, 93) sont essentiellement des roues solaires à six rayons. Le nombre sept revient partout dans le symbolisme solaire à partir du Néolithique.

[21]  Dans l’Épître aux Éphésiens de Saint Paul, II, 20, 21, le Christ est la « clef de voûte » (άκρολωνιαίου) « en qui toute la structure est harmonisée (συναρμολογουμἑνη) […] en qui ensemble vous êtes édifiés ensemble » ; en d’autres termes l’ « harmonie » de toutes les parties. Un autre sens dans lequel le Christ aurait pu être considéré comme une « harmonie » est celui de « l’époux » (ἁρμοστἢς) implicite dans la Deuxième Épître aux Corinthiens, XI, 2 : « Car je vous ai fiancés (ἡρμοσάμην) à un époux unique, pour vous présenter au Christ comme une vierge pure. » – les Aryaman et Gandharva védiques à qui toutes les femmes humaines sont, pour ainsi dire empruntées.

[22]  Pour όπαίος et όπη voir. Liddel et Scott. Voir. Ernest Diez dans Ars Islamica, V, 39, 45, qui parle de bâtiments « dans lesquels l’espace était le problème principal et était placé en relation avec l’espace infini et dépendant de celui-ci au moyen d’un opaion largement ouvert au zénith de la coupole. La relation à l’espace ouvert a toujours été souligné par la lanterne de lucarne dans l’architecture occidentale […] L’art islamique apparaît comme l’individuation de sa base métaphysique » (unendlich Grund). Plus tard, devient une désignation de n’importe quelle fenêtre ; Voir en sanskrit le terme gavākṣa « œil de bœuf » probablement à l’origine le ciel rond au-dessus de la tête, mais dans la littérature existante n’importe quelle fenêtre ronde. Les visages qui, dans l’architecture actuelle, sont souvent représentés comme regardant de telles merveilles sont appelés à juste titre gandharva-mukha, c’est-à-dire « visage de l’Éros solaire » (le Soleil en tant que Vena etc.), et cette désignation est un bon témoignage de l’équation « œil de bœuf » = « œil du Soleil » ; il en va de même pour « l’œil de bœuf » d’une cible.

Dans le domus [dôme] archétypal, la fumée monte à partir d’un foyer central pour s’échapper par le luffer [une petite tour à ouvertures], et de la même manière si le domus est un temple. Quand Euripide (Ion, 89, 90) dit que la fumée parfumée de l’autel du temple d’Apollon à Delphes « vole comme un oiseau (πεταται = sanskrit patati) vers le toit », il est certain qu’il doit y avoir eu un « œil » par lequel elle s’est échappée ; et de la même manière dans le cas des autels extérieurs où le ciel était le toit. Dans toutes ces constructions cosmiques, l’autel est « le nombril de la Terre » et l’œil au-dessus de lui la nef de la roue-du-Soleil ; la colonne de fumée est l’un des nombreux types d’Axis Mundi.

[23] Euripide, Électre, 740.

[24] Scott dans le texte et les notes de l’Hermetica se trompe en supposant que c’est à travers la lune que l’homme regarde. Tous les corps célestes avaient été considérés comme des roues ayant une seule ouverture décrite comme un trou pour la respiration, (voir les citations d’Hyppolytus et d’Aetius dans Burnet, Early Greek Philosophy, pp.66, 67 (1930)). De la même manière les « Trois Lumières » (Agni, Vāyu et Āditya : Feu, Air et Soleil) dans la cosmologie indienne sont représentées dans la construction de l’autel du feu par les trois briques nommées « auto-perforées » (svayamātṛṇṇā), les ouvertures étant explicitement à la fois « pour les passages des respirations » et « pour regarder à travers » ; de plus, la montée et la descente de ces mondes passe à travers ces trous, les lumières elles-mêmes étant considérées comme les tremplins ou les échelons d’une échelle par laquelle on monte ou descend. Des formulations similaires se rencontrent dans les récits des Himmelfahrten [ascensions] des chamanes sibériens. Tout cela est rassemblé dans le texte d’Ananda K. Coomaraswamy, « svayamātṛṇṇā : Janua Coeli », trad.fr. La Porte du Ciel, éd. Dervy.

Il est donc vrai que si le Fils de Dieu regarde à travers la lune et voit le monde sublunaire, son œil est vraiment très éloigné, le Soleil est l’oeil de son télescope cosmique, et la lune seulement sa lentille la plus lointaine. Dire, comme le dit Scott (Hermetica, Leg, I, 121, note.5) que ce doit avoir été la sphère lunaire que l’homme a traversée n’est pas conciliable avec sa déclaration manifestement juste dans un autre endroit (Hermetica, Leg, II, 63), qu’elle provenait de la huitième sphère la plus extérieure, celle des étoiles fixes (au-dessus de toutes les planètes), c’est-à-dire que l’homme regardait.

Une autre référence à Aussichtspunkt [point de vue] se trouvera dans Le Politique, 272e de Platon. Ici, à la fin du cycle ( c’est-à-dire en sanskrit : yuga ou kalpa précèdant le nôtre) Dieu (ϰπονος, θεος, όμεγἰστος, δαἰμιον) « lâcha la barre du gouvernail et se retira dans la guérite de guet » (εἱς τἡν αὑτοὒ περιωτής), c’est-à-dire dans la « dunette » du vaisseau cosmique, le Navire de la Vie, dont le mât est identique à l’Axis Mundi. C’est de la même manière que dans Śatapatha Brāhmaṇa, XI, 2, 3, 3, Brahma « s’est retiré vers la moitié la plus éloignée » (parārdham agacchat). Le point le plus intéressant ici est que le « lieu du regard, ou de la circonspection » est précisément un « œil » (ὤψ περι-ὠπἠ), un œil qui ne peut être que le Soleil. Ce n’est pas sans intérêt que l’analogue sanskrit pari-cakṣ est « négliger » au sens secondaire de « négligence ». C’est justement dans ce sens que le Deus absconditus « surveille » le monde, mais du même endroit que son Fils « arpente » à nouveau le monde « avec le but » d’y entrer à nouveau au commencement d’un autre cycle.

[Ananda K. Coomaraswamy a ajouté la note suivante : « […] comment naviguer au mieux sur ce Navire de la Vie, à travers ce voyage qu’est l’existence » (Les Lois, 803b). NdT]

[25]  « Moi le Créateur et le Père des Oeuvres » (έγω δημιουργός πατήρ τε ἔργων) ; les œuvres du Père étant « ce qui est beau encadré » (τόρἡν καλὢς ἁρμόσθεν) et ne peut être dissout (ἄλυτα) que par sa volonté (Timée, 41ab), c’est-à-dire jusqu’à la fin des temps, lors de la Grande Dissolution (mahāpralaya). C’est vraiment la réponse à la question posée par Stryzgowski : « D’où vient l’idée de construire une coupole avec des chevrons ? » (Early Church Art in Nothern Europe, p.63). Inscrire le mot ἁρμόσθεν, cela implique que le Père des œuvres est un charpentier (ἁρμόσθεν), la charpente de l’univers et le corps humain sont analogues, il s’agit littéralement d’une « harmonie », une pièce de menuiserie. Et puisque le « matériau » dont le monde est fait est le « bois » (ὒλη, la matière première), nous commençons à voir exactement pourquoi le Fils de Dieu est nommé « le fils du charpentier » et « le charpentier » (Évangile de Matthieu, XIII, 55 ὁ τοὢ τέκτονος υίός, Évangile de Marc, VI, 3 ὁ τέκτων, Iliade, V, 59, 60 τέκτονος υἱὁν Ἁρμονἰδεω). Par quel autre artisan le monde aurait-il pu être articulé convenablement ? De la même façon le Tvastṛ indien est le « charpentier », l’Indra Solaire, son fils Viśvakarma « Celui qui crée tout » (plus tard, en un sens plus restreint, la divinité patronale des corporations d’artisans) ; et ce dont le monde est fait est également en « bois » (vana, Ṛgveda, X, 31, 7, X, 81, 4).

La racine άρμονία […] est aussi la racine sanskrite AR-, Ṛ- « mettre en mouvement », affixe qui est aussi présent dans des mots tels que αρέτη αριντος ἁριθμός ἄρμαn en latin ars (art), en sanskrit aram « suffisant », « satisfaisant », arya « noble », ARC- « projeter », « briller », « chanter », ṛta « ordre » et ṛtu « saison ».

[26] « Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Évangile de Jean, I, 3). Le Soleil est celui « qui créé tout », Viśvakarma. Quand son Œil est ouvert, alors sa lumière porteuse d’images implante tout en fonction du pouvoir des destinataires prêts à les recevoir.

[27]  Les sept planètes gouvernant en tant que Destin, ibid, I, 10. Les « sept Ṛṣis » du Ṛgveda Saṃhitā, X ; 82, 2, et d’un point de vue microcosmique les « Sept Souffles » (pouvoirs de l’âme) dans la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, II, 2, 3.

[28]  Pour le Soleil en tant qu’œil de Dieu qui voit tout, d’innombrables textes pourraient être cités à partir de sources indiennes et d’autres.

[29]  Avec une référence particulière à la forme sphérique de la tête, qui est « une copie de la forme sphérique de l’univers » (Platon, Timée, 44d). Voir aussi Timée, 45a : τὁ κεφαλἢς κύτος, et Hermés Trismègiste, Hermetica,  Lib, X, 11 : τὁ κεφαλἢς κύτος. Donc aussi dans la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, II, 2, 3 en référence à la voûte  céleste et au crâne humain : « Il y a un bol avec une bouche en dessous et une base au-dessus […] il s’agit de la tête, car c’est un bol avec la bouche en dessous et la base au-dessus » ; et dans la Maitri Upaniṣad, VI, 6, le Ciel est la « tête de la forme du monde de Prajāpati […] ses yeux le Soleil […] Il (Prajāpati) est l’Esprit du Tout, l’œil du tout […] C’est sa forme qui soutient tout, ce monde entier y est contenu » et dans la Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa : « Le sommet (agram), c’est-à-dire sa tête ; de là il a exprimé le Ciel, de sa tête il accompagne le Ciel ». Donc, afin de « briser la coupole » nous aurions pu dire « à travers la calotte crânienne du monde ». Voir. Évangile de Marc, I, 10 : « Il vit les cieux se déchirer et l’Esprit comme une colombe descendre sur Lui ».

Or, ce qui est au-dessus du Soleil est transcendantal pour le monde « sous le Soleil », tout comme ce qui se trouve au-dessus du sommet de la tête est transcendantal pour l’homme qui est au-dessous. Le Ciel ou calotte crânienne, en d’autres termes, est la frontière (sīman) entre l’espace fini et infini, mesuré et incommensurable, le mortel et l’immortel. La « Frontière » devient alors la désignation de la suture crânienne au milieu de la tête (Aitareya Brāhmaṇa, IV, 22) ou le foramen du crâne (Brahmarandhra, Haṃsa Upaniṣad, I, 3). C’est par le chemin de cette frontière que Brahma, Ātman, l’Esprit entre dans le monde et est né à l’intérieur chez tous les êtres. Et en conséquence, tout comme pour Hermès Trismégiste, l’homme ou la Substance Éternelle révèle l’image du Père, ainsi Vena « le Soleil ardent », « a manifesté le Brahma, le premier né de la frontière brillante » (sīmatas, Atharva Veda Saṃhitā, IV, I, I et passim), ou comme indiqué plus en détail dans Aitareya Upaniṣad, III, II, 12 : « Il (Ātman) a considéré (īkṣata, ‘‘a vu’’), ‘‘comment maintenant ce monde peut-il exister sans moi ?’’ Alors, coupant cette frontière (sīman) même, par cette porte il entra […] il s’agit d’un ‘‘ravissement’’ ». Ce « ravissement » (nandana) suggère Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, I, 14 où l’Homme et la Nature sont « amoureux l’un de l’autre » (έρώμενοι), et implique en fait une participation à cette divine béatitude (ānanda) « sans cette partie où personne ne pourrait vivre ou respirer » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 3, 32 ; Taittirīya Upaniṣad, II, 7).

Or Jupiter Terminus est « le Dieu de la frontière », et nous voyons pourquoi son culte doit être l’Hypèthre. Il correspond à l’Agni « debout comme un pilier de vie dans le nid divin, à la séparation des sept voies » (Ṛgveda Samhitā, X, 5, 6) et au Soleil comme Axis Mundi et pilier (Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 10, 9 ; Pañcaviṃśa Brāhmaṇa, IX, I, 35 etc.). Et de là « même aujourd’hui, de peur qu’il (Jupiter Terminus) ne voie au-dessus de lui que les étoiles, aient des toits de temples leur foramen exiguum » (Ovide, Fastes, II, 667). « Quam angusta porta et arta via quae ducit ad vitam et pauci sunt qui inveniunt eam » [«car elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et il en est peu qui la trouvent ! »]  (Évangile de Matthieu, VII, 14).

[30] Étroitement parallèle au Pañcaviṃśa Brāhmaṇa, VII, 8, 1 : « Sur les eaux arriva la saison. Le Vent (de l’Esprit) se déplaça sur la surface. De là est né quelque chose de beau. Là, Mitravaruṇau se voyait reflété ; il dit : ‘‘quelque chose de beau, en effet, est né ici parmi les dieux’’ ». De même dans Ṛgveda, I, 164, 25 : « Il (Dieu) a vu le Soleil se refléter dans le véhicule ».

[31] Είρμαρμίνη, (μοἲρα) est littéralement « destin attribué ». La signification essentielle de la racine (présente dans le latin mors) est « reçue sa part, avec la notion collatérale d’être son dû » (Liddel et Scott) ; μοἲρα est parfois simplement « héritage », et être ἄμοιρος c’est être privé de sa juste part, généralement de quelque chose de bien ; κατά φύσιν, « naturellement », « dûment », « correctement ». La notion de destin est très souvent mal comprise comme signifiant quelque chose qui nous est arbitrairement imposé de l’extérieur. Ce que cela implique en réalité, c’est ce à quoi nous devons faire et devons attendre ; celui qui est né est « destiné » à mourir, celui qui met sa main au feu est « destiné » à être brulé, toute notre partie corporelle est « mourante ». Rien dans Platon ne contredit le point de vue orthodoxe implicite dans le mot μοἲρα, que « le destin réside dans les causes créées elles-mêmes » (Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, 116, 2). « Il n’y a pas de portes spéciales pour la calamité et le bonheur, ils viennent comme les hommes les invoquent » (Thai-Shang, SBE, XL, 235) ; « Il est destiné (εἴμαρται) que celui qui fait le mal subisse le mal, et à cette fin il le fait, en ce qu’il peut subir le châtiment l’avoir fait […] le châtiment est auto-infligé » (Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, XIII, I, 5 et X, 19). Dans la langue vernaculaire : « ce qui nous arrive » est simplement « ce que nous demandons ». La cause première est directement la cause de notre être (et c’est aussi une participation), mais seulement indirectement, à travers les causes médiates, les pouvoirs que nous appelions forces et dont les anciens parlaient comme des « dieux », la cause de notre être est ce que nous sommes. Ce que nous sommes à un moment donné est la résultante de toutes les « choses qui ont été faites » (sanskrit : karma), dont nous sommes précisément les héritiers. S’il en avait été autrement, comme l’exprime saint Thomas d’Aquin : « le monde aurait été privé de la perfection de la causalité » ; en fait « rien ne se produit par hasard ».

Donc, comme le dit Platon, tout ce qui est fait par le « joueur de dames » (l’« Aeon » d’Héraclite, Frg. LXXIX) consiste à « déplacer le personnage qui devient meilleur vers un endroit supérieur, et le pire vers le pire, selon ce qui appartient à chacun d’entre eux, répartissant un destin approprié […] C’est à cette fin qu’Il a conçu la règle […] Car selon la tendance de nos désirs et la nature de nos âmes, chacun de nous devient habituellement un caractère identique (ce qui est parallèle presque mot pour mot à la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 4, 5 ; Maitri Upaniṣad, VI, 34, 3) […] le divinement vertueux « étant transporté par une voie sacrée (sanskrit : devayāna brahmayāna) vers un autre et meilleur endroit, et vice-versa ; et, s’adressant à ceux qui pensent qu’ils n’ont pas été pris en charge par les dieux, il dit : « Ceci est le ‘‘jugement’’ des dieux qui demeurent sur l’Olympe ». (Les Lois, 903d-904d). Les jugements de la loi humaine sont comme s’ils étaient du même genre. (Les Lois, 728). Nous ne pouvons entrer ici dans la problématique de la « libération » du destin et de « ne plus être sous la loi », sauf pour dire que puisque c’est notre partie mortelle qui est fatalement déterminée, la « liberté » ne peut signifier qu’avoir conscience d’être seulement dans notre partie immortelle, c’est-à-dire « se connaître soi-même » et devenir ce que nous sommes vraiment, plutôt que ce que nous semblons être. Cela à partir d’une longue citation de passages parallèles de Platon, des Upaniṣad et d’autres sources, notamment Boece, La consolation de la philosophie, IV, 6 : « Ce qui est à ce point le plus libre du destin, dépend de combien il s’approche du centre (cardo). Et s’il adhère à la stabilité de l’Esprit divin, qui est libre de tout mouvement, il surpasse aussi la nécessité du destin » (ceci dérive de Platon, Les Lois, 89). Les significations de cardo sont ; « charnière » (d’une porte), « assemblage de poutres », « pointes » (du pôle), « ce sur quoi tout tourne », en grec : άκή, άκμή, ἄκρον, en sanskrit : agra. Boèce lui-même vient de parler des cercles qui tournent autour d’un même centre, « dont le plus intérieur se rapproche de la simplicité du milieu, qui est en quelque sorte le pivot (cardo) du reste ». Que l’équivalent étymologique de κράδη a pour signification première la « pointe d’une branche de figuier » (Voir. Hésiode, Les Travaux et les Jours, 679) présente au moins une curieuse coïncidence, puisque nous disons que l’Arbre de Vie, au sommet duquel niche l’aigle solaire, qu’« à son sommet, la figue est douce, personne ne la gagne qui ne connaisse le Père » (Ṛgveda, I, 164, 22). En tout cas, il est clair que le cardo de Boèce est le sommet de l’Axis Mundi et le point où l’Axis pénètre dans le Ciel qu’il « supporte », c’est-à-dire, qu’il se réfère au Soleil, comme le « cardinal » du monde, c’est-à-dire au-dessus de toute la « structure » de l’univers et au-dessus de sa construction solaire.

[32] Sanskrit : prajñā, étymologiquement et sémantiquement πρόγνωσις, et prajñātman, l’ « Esprit de prescience », « le Soi solaire incorporel ayant conscience » qui « monte » le soi corporel (mortel) comme son véhicule (Aitareya Āraṇyaka,III, 2, 3 avec Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 3, 21), tout comme dans le Timée, 44d-45b ἡ τἢς ψυϰἢς πρόνοια « la partie la plus divine et la plus dirigeante en nous » a le corps « pour char et véhicule ». C’est « Celui qui demeure dans le Soleil, mais qui est autre que le Soleil […] dont le corps est le Soleil […] Celui qui demeure dans la semence est encore autre que la semence […] est votre Soi, le Contrôleur Intérieur, Immortel » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, III, 7, 9, 23), qui entre alors dans le soi corporel comme sa Vie (prāṇa) « saisit et élève le corps », où les deux l’Esprit et la Vie, « habitent ensemble » » et d’où ils partent ensemble (Kauṣītaki Upaniṣad, II, 3, IV, 20 ; Aitareya Āraṇyaka, II, 6).

On dit donc que les créatures « naissent providentiellement » (yathā prajñāṃ hi saṃbhavaḥ, Aitareya Āraṇyaka, II, 3, 2) et que lorsque l’Esprit part avec la Vie et est sur le point d’entrer dans un nouveau corps, alors « la conscience, les œuvres et l’ancienne Providence s’en emparent » (taṃ vidyakarmahī samanvārabhete pūrvaprajñā ca, Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 4, 2). Dans tous ces contextes, il faut se rappeler que ce n’est pas « cet homme » mais Dieu qui est né de nouveau. Comme le dit Śaṅkara : « c’est le Seigneur seul qui erre (d’un corps à l’autre) (satyam, neśvarad anyaḥ saṃsari, Brahmasūtrabhāsya, I, I, 5, une doctrine amplement soutenue par les textes, par exemple Muṇḍaka Upaniṣad, II, 2, 6 ; Maitri Upaniṣad, II, 7). Le Seigneur est la cause première, et en tant que telle la « cinquième et divine (daivyam) cause » dans la Bhagavadgītā, XVIII, 14-15, où le mot est parfaitement rendu par Barnett par « Providence ». Les œuvres sont les « causes médiates » de notre Être « ce que nous sommes » (etāvat). L’Esprit est un foyer temporaire dans les corps successifs ; il est la source de notre être, mais l’attitude de l’être est prédéterminée par les causes médiates, le karma, ou comme nous devrions l’exprimer, par l’hérédité.

[33] « Destin », comme expliqué dans la note précédente ; la résultante des « causes médiates » précitées, agissant en nous plutôt que sur nous. L’« Harmonie » est le disque ou le corps du Soleil, dont les rayons sont les radii [rayons] vivifiants de l’Esprit qui deviennent la Vie en chacun de nous (Śatapatha Brāhmaṇa, II, 33, 3, 7). Ceux-ci, dans le langage de Platon, sont les « chaînes d’or » par lesquelles le meilleur en nous est suspendu comme une « marionnette » de cette région d’où notre âme a été d’abord acquise, et à laquelle nous devrions nous accrocher (Timée, 90d, Les Lois, 644de, 803). Que Platon connût la doctrine du « fil de l’Esprit » (sūtrātman) ressort clairement de l’interprétation de l’Iliade, VIII, 18f et du Thééthète, 153c. Voir. Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, XVI.

[34] Toute la doctrine de la puissance de génération du soleil est bien connue dans « l’homme et le soleil engendrent l’homme » d’Aristote (Physique, II, 2), mais elle est tout à fait universelle. Voir les références dans Ananda K. Coomaraswamy, « De la mentalité primitive », Études Traditionnelles n°236 (1939), « Le baiser du Soleil », Études Traditionnelles, n° 253, 254 (1946). Dans ce dernier article, sur  « la prise par la main », j’aurais dû ajouter une référence à l’Aitareya Brāhmaṇa, V, 31, où l’homme au lever du soleil tend sa main avec une offrande et le Soleil est dit « le prendre par la main et l’attirer vers le haut dans le royaume de la lumière céleste » et le Soleil est nommé « Vie » (prāṇa) « parce qu’il conduit (prāṇayati) tous les êtres ». Les « mains liées » et le « dominant » impliquant également que le Soleil est l’Époux et l’homme l’Épouse (comme dans Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 3, 21 où il est « embrassé par l’Esprit prévenant » et Chāndogya Upaniṣad, VII, 25, 2, où « celui dont l’Époux est l’Esprit (ātma-mithunaḥ ) […] devient Celui qui se déplace à volonté et autonome ». Dans une représentation égyptienne d’Amenhotep IV et de sa famille, tous les rayons du Soleil aboutissent entre les mains – et de ces rayons, ceux qui sont étendus aux yeux du Pharaon et de sa femme portent le symbole de la vie (Voir. Kurt Lange, Ägyptische Kunst, pl.79. 1939). Nous n’avons guère besoin d’ajouter que la doctrine selon laquelle Dieu est notre véritable Père survit dans le Christianisme. Par exemple, « le pouvoir de l’âme, qui est dans le sperme, à travers l’esprit qui y est contenu, façonne le corps » (Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, III, 32, 1, de même que dans la Kauṣitaki Upaniṣad cité ci-dessus), et « l’Esprit » est la Fontaine de Vie, qui jaillit de Dieu pour Nourrir et Maintenir le Souffle de Vie dans le corps. Quand vient le moment de la Mort, cet Esprit ramène à leur Tête ces courants de Vie, par lesquels il est sorti dans le Corps » (V. de S. Pinto, Peter Sterry, Puritan and Platonism, p.156 ; Bṛhaḍaraṇyaka Upaniṣad, IV, 4, 2, 3 et d’autres textes cités ci-dessus).

[35] Ἀνοδος τής γίνομενης = La République, 517b είς τόν νοητόν τοπον τἢς ψυϰἢς ἄνοδος, le chemin vers le haut et hors de la grotte (corps, cosmos, tombeau) dans la Lumière.

[36] Ο θυμός κάι ἠ έπιθυμία, les deux parties de « l’âme mortelle » (La République, 440 etc.) distinctes de « l’âme immortelle qui est notre véritable Soi » (Les Lois, 959ab). Dans les Upaniṣad, le « soi corporel » (śārirātman) composé des pouvoirs des sensoriels (prāṇāḥ) et de l’esprit impur (aśuddha manas) se distingue du « Soi incorporel » (aśārirātma), l’Esprit pur (śuddha manas).

[37] L’ascension inverse, est la descente (Héraclite, Frg.LXIX, et comme toujours dans les textes indiens). La « huitième nature » est la « sphère du Démiurge à partir de laquelle l’homme de la Substance éternelle a regardé pour la première fois à travers l’Harmonie ». L’« Harmonie » d’Hermès Trismégiste semble être, comme Scott la comprend, l’ensemble de la « structure des cieux » plutôt que la clef de voûte seulement, comme dans Pausanias. Il s’agit néanmoins d’une distinction logique plutôt que réelle ; c’est de la même manière que le Soleil dans les textes indiens est à la fois Axis Mundi comme rayon de lumière et comme source de lumière à son sommet. Chacun des cercles est totalement contenu et construit (coedificatus) à partir de son moyeu par lequel passe l’Axis ; à chacun de ces points, par lesquels l’Axis pénètre (comme l’axe d’un arbre) une « roue » (sanskrit ; cakra, monde), se trouve une porte étroite ou un œil d’aiguille qui doit être franchi en montant ou en descendant, bien que facile descensus !

Le vrai problème est posé par le fait que le Soleil « le plus grand, le roi et le seigneur de tous les dieux dans le Ciel » n’est pas le dernier et le plus élevé d’entre eux, mais « se soumet à avoir des étoiles plus petites qui tournent au-dessus de lui » (Hermetica, Lib, V, 3). Le Soleil n’est pas la septième, mais la quatrième des sept planètes (comme aussi dans la cosmologie de Dante). On verra que la quatrième est le milieu de la série, c’est à partir de ce point de vue que le problème peut être résolu.

[38]  Pour ce « dépouillement » des maux au fur et à mesure que l’âme monte, de nombreux parallèles pourraient être invoqués à partir de sources sanskrites. Un exemple notable est celui d’Apala (Psyche) qui est unie à l’Indra solaire (Éros) seulement lorsqu’elle a été attirée à travers les moyeux des trois roues du monde, chacun de ces passages étroits retirant une peau de reptile, jusqu’à ce qu’elle soit enfin « écorchée par le soleil » et puisse lui revenir afin de l’aimer (Ṛgveda, VIII, 91, ainsi que d’autres textes. Voir. Ananda. K. Coomaraswamy, « La face obscure de l’aurore », La doctrine du Sacrifice, éd. Dervy.

[39] Dans presque les mêmes termes, Agni (« Noster Deus ignis consumen ») est dit « savoir qu’il (le Sacrificateur, qui sera déifié) est venu me faire une offrande » (ātmanaṃ paridaṃ me), et s’il « ne signifiait pas cela, Agni le priverait de lui-même ». (Śatapatha Brāhmaṇa, II, 4, I, II et IX, 5, I, 53 ; Chāndogya Upaniṣad, II, 22, 5). Alors « Celui qui sauverait sa vie, doit la perdre ! » Le Sacrificateur renaît du Feu et prend son nom. Le sacrifice du petit soi (l’individualité, ce qui peut être défini et vu) est essentiel pour toute déification car la personne qui est encore quelqu’un ne peut entrer en Celui qui n’est jamais devenu quelqu’un et ni devenu qui que ce soit. Voir. Ananda K. Coomaraswamy, Ākīṃcañña, Self Naughting, New Indian Antiquary, III (1941). Le « dépouillement » est le même que ce qui est si souvent décrit dans les textes sanskrits comme « se défaire de son propre corps » ou « se débarrasser du mal ». Ce qui représente cette ablatio omnis alteritatis et diversitas que comme le dernier platonicien Nicolas De Cues le répète : sine qua non d’une « filiationem Dei quam Deificationem, quae et θέωσις graece dicitur » (De, fil, Dei, pp.119, 123. Éd. Bâle).

Je ne vois pas l’inconstance discutée par Scott, Hermetica, vol. II, p.60. Au besoin, l’ordre des phrases commençant par καἱ ὁ θυμὀς […]  (Que Scott omet dans sa traduction) et καἱ οὕτως […] pourrait être inversé ; mais même sans cela, il est facile de voir que nous avons d’abord un exposé général sur la purification, suivi d’un exposé plus détaillé des étapes par lesquelles elle est effectuée.

[40] « Rien ne vous sera impossible » (Évangile de Matthieu, XVII, 20).

[41] Afin d’ouvrir les portes des mondes successifs à l’appel du Sacrificateur : « repoussez la barrière », voir la Chāndogya Upaniṣad, II, 24.

[42] Non pas comme Scott l’indique dans sa note de bas de page : « La sphère la plus extérieure du Ciel », mais « Le sommet du Ciel inférieur », le « sommet de la roue ou de la voûte sous le Ciel » comme Platon l’exprime dans le Phèdre, 247b.

[43]  Chāndogya Upaniṣad, II, 24, 15.

[44]  Ὀ κύκλος ὁάθάνατος, par exemple ἤ λιοὒ κύκλος comme dans Eschyle, Prométhée enchaîné, 91, la roue soleil ou le disque du soleil, τὢν έτόρνων οὐσαν μίμηνά τι κύκλον (Les Lois, 898a). Pour les roues dans le rituel grec voir Guthrie, Orpheus, p.208. On ne peut entrer ici dans le symbolisme parallèle des échelles, sauf pour dire qu’il joue un rôle important également chez les indiens, les égyptiens, les chrétiens, les indiens d’Amérique et les mystères des chamanes sibériens, et pourrait être vu en Grèce. Dans un rituel védique notable (Taittirīya Saṃhitā, 7, 8,) le prêtre, au nom du sacrifice, prend place sur une roue installée sur un poteau et mime les chevaux qui conduisent, faisant tourner la roue.

[45] Voir. La République, 440d où le λόγος immanent vérifie le pouvoir irascible de l’âme immortelle « comme le berger rappelle son chien ». Je ne peux que considérer le « berger » d’Hermas désigné pour vivre dans la même maison avec lui, comme ce λόγος immanent, son mentor, le δαίμων de Socrate qui « me retient toujours de ce que je dois faire » (Phèdre, 242c), et le Poimandrès d’Hermès Trismégiste du même genre. Ce δαίμων immanent et ange gardien devient la syndérèse de la Scolastique.

[46]  Comme la fumée de l’autel du sacrifice, l’écho de la musique de la liturgie est renvoyé au Soleil d’où il provient, abandonnant ses incantations verbales à mesure qu’il s’élève jusqu’à ce qu’il revienne comme pur « ton » (svara) au Chantre archétypal qui « sort avec le chant dans tout cet univers », « qui continue son chemin en psalmodiant » (Aitareya Āraṇyaka, II, 2, 2 ; Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 15-21. Des Chantres humains et divins, dont les chants sont identiques et avec le même nom (udgātṛ). « Ceux qui chantent ici avec la harpe le chantent » (Chāndogya Upaniṣad, I, 7, 5, 6). Le Sacrificateur lui-même monte avec le chant « sur les ailes du son »  (svara-pakṣa, Jaiminīya Upaniṣad Brahmaṇa, III, 13, 10), ou de la lumière ( jyotiśpakṣa, Pañcaviṃśa Brāhmaṇa, X, 4, 5), « les ailes métriques » (chandopakṣa) de l’Atharva Veda, VIII, 9, 12.

[47] Tout au long de la tradition, nous rencontrons la distinction de deux esprits ; humain et divin. Ces esprits sont respectivement « impurs » car liés aux désirs, et « purs » lorsqu’ils sont séparés des désirs, et au-delà de ceux-ci se trouve la condition encore plus élevée de « l’absence d’esprit » (Maitri Upaniṣad, VI, 34). L’« Esprit divin » est le Soleil, « l’absence d’esprit » surhumain (Voir. Ion, 534, et Timée, 71d-72b), qui ne doit pas être confondu avec son antitype la « stupidité » des êtres irrationnels, la distinction étant identique à celle qui existe entre les deux ordres de « folie » (Phèdre, 244a etc…).

[48] Legum allegoriae, III, 16.

[49] Protagoras, 322a, Timée, 41e.

[50] Tel est, selon moi, le sens du mot religion, impliquant notre dépendance à un pouvoir supérieur à notre propre pouvoir, l’irréligieux au contraire, étant l’homme négligé qui renonce à son allégeance et nie ses obligations. « Cette chaîne qui me liait et me faisait maillon par maillon,

Maintenant, s’est cassée, simplement je mange et je bois » (Bayard Simmons).

L’ « émancipation » impliquée par la rupture des liens créé une « liberté de choix » fallacieuse (penser, faire, faire « ce que nous aimons ») qui n’est en réalité rien d’autre qu’une soumission servile aux attraits contraires,  de nos propres passions dirigeantes, et dans le cas de l’homme « économiquement déterminé » (dont la mesure et le critère de valeur est : « va-t-il payer ? ») une soumission à l’avidité ; l’acceptation des obligations que notre Destin nous impose, et par conséquent à l’accomplissement de la volonté divine. D’autre part, il s’agit de l’exercice de la véritable « liberté de la spontanéité » dont nous sommes les héritiers légitimes du fait de notre participation à la liberté de la volonté divine.

[51] Timée, 42c.

[52] Timée, 48a.

[53] Timée, 41be. Voir Coran, LI, 56. Remarquons que σέβομαι est apparenté à la racine sanskrite SEV- « assister à ». Le texte continue, « et puisque la nature humaine est double, le genre supérieur (κρεἲττον) est celui qui sera appelé « l’Homme ». Cela correspond à l’équation de Philon de νοὒς  (= manas) avec « l’Homme » et de αισθησις  (= vāc) avec « la Femme ». R. G. Bury établit que c’est le « sexe » supérieur qui sera appelé l’Homme, comme si Platon avait parlé, non du « meilleur et du pire » chez tout être humain de quelque sexe que ce soit mais des hommes et des femmes en tant que tels. La question en jeu est celle de la maîtrise de soi, dont les hommes et les femmes sont capables ; et non pas de la domination d’un inférieur par un « sexe » supérieur !

[54] Comme dans Phédon, 63b « vers d’autres Dieux sages et bons, auprès d’hommes trépassés (άνθρώπους τετελευτηκότας), qui valent mieux que ceux d’ici ». « Autre » est aussi une référence et une distinction avec les divinités chtoniennes, Les Lois, 959d. Le retour est à la « parenté céleste » de l’Âme de Timée, 90a.

[55] Les Lois, 959d « Rendre son récit » est la version de R. G. Bury de δώσοντα λόγον. L’Âme immortelle qui demeure en et avec nous et qui est notre « ange gardien » est souvent nommée « comptable » (λογιστικος), et au moins dans le contexte actuel, c’est vraisemblablement le récit de « l’âme entière » qu’elle présente ici, comme dans le Pasteur d’Hermas, où le « Pasteur », qui est appelé à vivre avec Hermas dans sa maison se nomme l’« Ange de la Repentance » (μετάνοια) dit : Ego sum pastor, et validissime oportet de vobis reddere rationem (Sim, IX, xxi, 6). Il y a, cependant, un autre sens important dans lequel le « comptable » est ainsi appelé ; c’est lui qui donne un « vrai récit » sur des sujets tels que la nature des tensions conflictuelles par lesquelles l’âme est tirée de cette façon et de cela, mais dont il n’y en a qu’une par laquelle nous devrions être guidés (Les Lois, 645b).

[56]  Un exploit réalisé par celui qui est « capable » (arhat), ayant des pouvoirs de lévitation et ne voyageant pas dans les airs, voir. Ananda K. Coomaraswamy, « Le Symbolisme du dôme »,  La Porte du Ciel, éd. Dervy.

[57] Chāndogya Upaniṣad, VIII, 6, 5. « Il monte […] va vers le Soleil […] la porte du Monde, un passage pour tous les sages, un arrêt pour les insensés », voir. Maitri Upaniṣad, VI, 30 ; Aitareya Brāhmaṇa, II, 42 etc.

[58] La question est posée dans Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 6, 1 : « Qui est capable (arhati) de passer au milieu du Soleil ? »

[59] Une expression familière, préfigurée dans Malachie, IV,2 et impliquée dans de nombreux passages du Nouveau Testament. Littéralement : « Soleil des Hommes » (sūrya nṝn) dans le Ṛgveda, I, 146, 4.

[60] Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 6, 4 : pareṇādityam = Aitareya Upaniṣad, I, 2 : pareṇa divan,    Mahānārāyaṇa Upaniṣad, X, 5 : pareṇa nakam = Ṛgveda, I, 164, 10 : pare ardhe ; Kaṭha Upaniṣad, III, I : parame parārdhe. Là le Soleil ne brille pas (Kaṭha Upaniṣad, V, 15 ; Bhagavad Gītā, XV, 6 ; Udāna, 9 ; Apocalypse, XXI, 23), « seul l’Esprit est sa Lumière » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 3, 6), « l’Agneau est son flambeau » (Apocalypse de Jean, XXI, 23).

Le Soleil lui-même est « au-delà de la poussière », « au-delà des ténèbres » (paro’rajaḥ, tamasaḥ parastāt), au sommet du monde, il est la porte de ce qui les dépasse (le « ce qui reste », ucchiṣṭa de l’Atharva Veda, XI, 7. « déposé en secret » nihitaṃ guhāyam, Mahānārāyaṇa Upaniṣad, X, 5. Et sapta ṛṣiṃ paradiśaḥ paramaṃ krautam, de Śatapatha Brāhmaṇa, X, 82, 2.

[61] Dans Phèdre, 63b, les hommes qui demeurent avec les divinités célestes sont qualifiés de « parfaits ». Pour άνθρὢπους τετελευτηκότας nous ne pouvons accepter ni les « hommes qui sont morts » de H. N. Fowler, ni les « hommes partis » de Jowett. Il est exact que les hommes cités sont des « hommes morts », la référence n’est pas vis-à-vis des morts en tant que classe, mais à une classe particulière de morts. De la même manière dans Plutarque, Moralia, 382f où les corps de « ceux qui sont crus τέλος ἔϰειν » sont censé être cachés dans la terre, il serait ridicule de traduire par « de ceux que l’on croit morts », car il est évident que ceux qui ont été enterrés ; il s’agit d’un contraste entre les corps enterrés et « eux-mêmes » décédés qui sont considérés comme « ayant atteint la perfection » comme ils doivent l’avoir effectivement atteint, sont « vraiment eux-mêmes » au sens de Les Lois, 959b, et de l’Odyssée, XI, 602. Voir. Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, I, 18. Il est vrai que les formes de τέλεω toutes impliquent une « fin » et la mort en est une en un certain sens, par exemple, la mort initiatique de l’homo moriturus. Car être « fini » ou « parfait » c’est avoir atteint la fin d’un processus de devenir et simplement « Être » ; voir en sanskrit parinirvā, le premier à être dé-spiré et le second à être parfait. Mais simplement être mort le moment venu, ce n’est pas nécessairement être mort avec ce que Maître Eckhart nomme la « vraie mort ». Et dans de nombreux contextes τετελευτηκὠς et τελευτησάς signifient simplement « mort » (τε θηκός), c’est plutôt comme on dit « morts et partis au ciel », exprimant un vœu pieux plutôt que d’énoncer un certain fait. Il existe d’autres contextes, y compris le présent, dans lesquels les formes de τέλεω sont utilisées plus strictement pour distinguer le parfait du non parfait. Dans le cas présent, ce sont les « parfaits » qui sont associés aux dieux ; c’est-à-dire ceux des morts qui sont « parfaitement (παντελὢς) entiers et vigoureux », pas ceux qui sont « imparfaits (α ελής) et insensés » qui doivent se tourner vers l’Hadès (Timée, 44c). Les « hommes parfaits » de notre texte sont précisément ceux qui vont « retourner dans leurs foyers d’étoiles, et gagner là une vie bénie et associée » (Timée, 44c). τέλεω = le sanskrit arhant (« respectable » ou « capable ») et sukṛātman (‘‘Soi pur »).

[62]  Plutôt « contrôle et habite » comme il est explicite dans Les Lois, 896e, où il est reconnu que « puisque l’ Âme contrôle et habite (διοικοὢσαν καἱ στοικοὒσαν) tout ce qui bouge partout, il faut bien affirmer qu’elle contrôle (δίοικεἲν) le Ciel aussi ». L’âme « parfaite » est universalisée par une « transfusion de l’Un dans le Tout » (Nicolas de Cues, De, fil dei, voir. Vansteenberghe, p.13, note.2), « est sans corps, et pourtant a plusieurs corps, ou plutôt s’incarne dans tous les corps » (Hermès Trismégiste, Hermetica, Lib, V, 10.A), elle devient « l’Esprit de tous les êtres » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, I, 15, 18), ou « est apte à s’incarner dans les mondes émanés » (Kaṭha Upaniṣad, VI, 4), « son pâturage est illimité », comme le Buddha, anantagocara (Dhammapada, 179). Et, en d’autres termes il est celui « qui se meut à volonté », « qui monte et descend ces mondes, mange ce qu’il veut et assume sa volonté » (Taittirīya Upaniṣad, III, 10, 5 etc…). Voir. Pistis Sophia 2ème document, 189b-191b.

[63] « De ceux qui montent au sommet (agra) du grand Arbre, comment s’en sortent-ils ensuite ? Ceux qui ont des ailes s’envolent, ceux qui n’ont pas d’ailes tombent. Ceux qui ont des ailes sont les sages, ceux qui n’ont pas d’ailes les insensés » (Pañcaviṃśa Brāhmaṇa, XIV, I, 12, 13). Ceux-ci, « sages » et « insensés » sont les mêmes que ceux qui sont admis ou refusés à la Porte du Soleil dans la Chāndogya Upaniṣad, VIII, 6, 5 ; les mêmes que les vierges « sages » et « insensées » qui sont admises aux noces ou qui en sont exclues dans l’Évangile de Matthieu, XXV. Alors Béatrice reproche à Dante qu’il n’est pas depuis longtemps « sans désir » (« Délivre le désir qui te brûle » Paradis, XXI, 51).

Platon (Phèdre, 246de) explique que le pouvoir naturel de l’aile est d’élever ce qui est lourd là où vivent les dieux ; et que les ailes de l’âme sont « nourries » (πρέφεται) et grandissent par « la beauté, la sagesse, la bonté et autres ». Ce sont, manifestement la « nourriture congénitale » (οίκεἲα τροφή) avec laquelle nous devons mettre fin à notre partie divine, à savoir le δαίμων immanent, afin de participer à l’immortalité (Timée, 90cd). « Où se trouve la demeure de l’âme ? Sur les pignons du vent. Les pignons sont les pouvoirs de la nature » (Maître Eckhart, Éd. Pfeiffer, p.513). Le symbolisme des « oiseaux » ne concerne pas seulement leur vol, mais aussi leur « langage », et joue un grand rôle dans toute iconographie mythologique. Ici, le point spécifique est que ce qui n’a pas d’ailes ne peut traverser le Soleil, même le char de Zeus est « ailé ».

[64] En d’autres termes, les dieux sont « justes » afin de faire « faire ce que quelqu’un doit faire » (τὁ έαυτοὒπράττειν), c’est-à-dire remplir la vocation pour laquelle on est apte par nature, est le type et la définition de la « justice » ou « droiture » pour Platon (δικαιοσυνη, La République, 433). Ainsi que la santé mentale (σωφοσυνη, Charmide, 161). Voir Bhagavad Gītā, III, 35 et XVIII, 42-45. Un parallèle très proche du récit de l’excursion divine par Platon se trouve dans la Maitri Upaniṣad, VII, 176 ; ici les dieux sont décrits comme « s’élevant à l’Est », au Sud, à l’Ouest, au Nord, au Zénith et au Nadir, « ils brillent, ils pleuvent, ils louent (c’est-à-dire font ce qu’ils doivent faire), ils entrent à nouveau (punar viśantyantar) et regardent par l’ouverture » (vivaranekṣanti). Il est fort probable que les cinq ouvertures différentes correspondent ici aux « cinq quartiers visibles » d’où le Soleil se lève (par étapes successives de notre illumination) jusqu’à ce qu’il ne se lève ni ne se couche finalement, mais « demeure seul au centre » (Chāndogya Upaniṣad, III, 611) ; la Porte du Soleil (saura-dvāra), la porte ouverte (dvāra-vivara) de la Maitri Upaniṣad, III, 6-11, correspond à sa dernière orientation.

[65] Ὀἀαι έθέλων τε καἱ δυνάμενος. Fowler et Jowett, ignorent tous les deux le άεἰ « toujours », bien qu’en fait cela marque la distinction effectuée et ci-dessous (248c) : où « si une âme est un disciple de Dieu et aperçoit l’une des vérités (c’est-à-dire un aperçu de la « plaine de vérité » au fond du Ciel) il ne peut pas souffrir jusqu’au cycle, et s’il peut le faire toujours, alors il est toujours en sécurité ; mais quand faute de pouvoir le suivre, sa vision échoue, et se trouve être vaincu par l’oubli et le mal, et devient lourd et ainsi perd ses ailes et tombe sur Terre, alors c’est la loi qui […] d’une telle âme qui a le plus vu entrera dans la naissance d’un homme destiné à devenir un philosophe, etc. » Le « toujours » de ces passages revient dans Ennéades, IV, 4, 6 de Plotin où discutant de la « mémoire » chez les dieux, il conclut : « En d’autres termes, ils ont vu Dieu et ils ne se souviennent pas ? Ah non : c’est qu’ils voient Dieu encore et toujours, et comme ils le voient, ils ne peuvent pas se dire qu’ils en ont eu une vision ; une telle réminiscence est pour les âmes qui l’ont perdue ». C’est une chose bénie, mais insuffisante, d’avoir eu une intimation de « l’éternel maintenant », de « certaines vérités » qu’il renferme. Mais ceux qui sont seuls sont éternellement en sécurité qui ont vu non seulement « certaines vérités », mais « la Vérité de la vérité » et voient tout cela toujours .

Les mots « ne peuvent pas souffrir jusqu’au prochain cycle » et l’affirmation que « ceux qui ont le plus vu » renaîtront, le moment venu, en tant que « philosophes » sont en accord le plus étroit possible avec les formules indiennes, par exemple dans la Bhagavad Gītā, VI, 41-43, où la question a été posée : que devient celui qui possède la foi « qui n’a pas atteint la perfection dans le yoga » (défini comme impartialité et maîtrise de soi), et  la réponse donnée : « Ayant atteint les mondes de ceux dont les œuvres sont pures (c’est-à-dire le ciel inférieur), et y ayant habité pendant des années (c’est-à-dire jusqu’à la fin du cycle), celui qui a pratiqué le yoga est né dans une famille illustre et chanceuse […] ou peut-être dans une famille de yogin contemplatifs, bien qu’une telle naissance soit très difficile à gagner dans ce monde, là, il retrouve cet état d’être attelé à l’intellect pur qui avait été celui du corps antérieur, et de là, une fois de plus, il s’efforce d’atteindre la perfection ».

[66] Ἁψεἲς est avant tout une roue ; on dit qu’il s’agit avant tout d’une « jante », mais on doit se rappeler que les premières roues étaient solides (sauf pour la perforation du moyeu), et que l’expression ἄψιν τάμνειν […] άμαξη (Hésiode, Les Travaux et les Jours, 426) ne peut dire autre chose que « tailler une roue de chariot », une hache est l’outil à utiliser, là où il s’agit d’une charrette à bœufs d’un fermier qui est en train d’être fabriquée, pour laquelle rien d’autre que des roues solides ne sont probables à cette époque. Alors aussi τήν ἡμερίαν ἁψἲδα (Euripide, Ion, 87, 88), comme ὁ ἡμερήσιος κύκλος (Philon, Legum allegoria, III) n’est rien d’autre que le disque du Soleil. Secondairement ἁψίς est n’importe quel cercle, voûte ou arche et enfin une « abside » dans le sens architectural actuel du mot. Que le symbolisme des dômes et des roues soit essentiellement le même n’a pas besoin d’être discuté ici ; les deux sont des cercles avec des rayons (nervures) du dôme ou du parasol, les rayons de la roue, les deux sont pénétrés par un œil central, et les deux représentent les premiers principes. Le moyeu de la roue correspond à la clef de voûte du dôme, la jante à sa périphérie, les rayons aux poutres rayonnantes. Voir. Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, II, 5-15 : « En vérité ce Soi (Ātman = Brahma, la personne solaire, l’Esprit) est le Seigneur et le Roi de toutes choses. Même si tous les rayons sont attachés ensembles (samarpitāḥ, comme dans ἁπμονία, συναρμόξω) entre le moyeu et la jante de la roue, donc toutes choses, tous les dieux, tous les mondes, toutes les choses qui respirent, tous ces soi (ātmanāḥ, au pluriel) sont attachés ensemble dans ce Soi (Ātman) ».

[67] De même dans les sources grecques et indiennes, l’Âme ou l’Esprit immortel et incorporel a pour véhicule la « maison » ou le « char » mobile du corps (Timée, 41e, 44e, 69cd ; Les Lois, 898c ; Kaṭha Upaniṣad, III, 3-9 ; Jātaka, VI, 252, et dans toute la littérature). Les mots indiens : ratha et vimāna signifient à la fois maison,  palais, temple et véhicule, de sorte que par exemple, à Konarak nous trouvons un temple du Soleil pourvu de roues et de coursiers. Le véhicule physique dans lequel nous nous déplaçons est analogue au char de lumière ou de feu dans lequel on pense que Dieu ou l’Âme parfaite voyage à volonté. Les coursiers sont les sens qui aiment se nourrir de leurs objets et doivent être maîtrisés et guidés afin d’atteindre le but. Le symbole entier peut être réduit à celui d’un seul coursier ou d’une seule roue.

Pour Platon plus précisément, l’un des deux chevaux est de sang noble, l’autre est de race et de caractère très différent (Phèdre, 246b « L’âme entière […] », et dans la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, voir aussi Les Lois, 903e) ; et ces deux chevaux sont évidemment les deux parties de l’âme mortelle : le Courageux (θυμοειδής) et le Désireux (τὁ έπιθυματικόν), dont le premier écoute et se range naturellement du côté de la raison et est rarement égaré par son compagnon, tandis que le second est le plus indiscipliné (La République, 440f etc.). Tout cela est pris pour acquis dans notre texte. Pour la relation plus en détail de l’âme ou de la personne du Soleil avec le char du Soleil, voir. Les Lois, 898f. Dans ce contexte, « l’Âme du Soleil » (« Celui qui demeure dans le Soleil,  est pourtant autre que le Soleil, que le Soleil ne connaît pas, dont le corps est le Soleil, qui contrôle le Soleil de l’intérieur, et est votre propre Soi, Intérieur, Contrôleur et Immortel » (Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, III, 7, 9). Semble être considéré (comme en Inde) comme à la fois Un et multiple. Les Lois, 903d-904d devraient être comparés à la Bṛhadāraṇyaka Upaniṣad, IV, 4, 4, 5, Les Lois, 903d : « L’âme, étant reliée maintenant avec un corps, maintenant avec un autre » correspond à « il n’y a que le Seigneur qui se ‘‘réincarne’’ » de Śaṅkarācārya (Brahmasūtra Bhāṣya, I, I, 5). Il est à peine besoin de dire que tout le sujet de la « réincarnation » dans les textes grecs et indiens exige une nouvelle recherche en vue de voir ce qui reste, le cas échéant, de la prétendue renaissance des individus ici sur Terre, alors que tout ce qui relève du quotidien, la renaissance progénitrice, initiatique et finale. La doctrine védantique selon laquelle c’est la divinité immanente qui passe de corps en corps et la doctrine bouddhiste correspondante selon laquelle aucune essence concrète ne passe d’un corps à un autre n’a été autorisée.

[68] Le « sommet du Ciel » est, bien entendu, le même que le « sommet du ciel » qui est la « halte » du soleil à midi (παύεται ἄκρου έκ όνρανοὒ, Hymnes Homériques, XXXI, 15), le tournant et la limite de son parcours quotidien. Ce n’est pas sans pertinence que nous trouvons le mot sanskrit : kāṣṭha à la fois comme « morceau de bois » (Ṛgveda, VII, 93, 3 ; IX, 21, 7 ; Kaṭha Upaniṣad, III, II) et comme essieu ou pilier par lequel les deux mondes, Ciel et Terre sont séparés, le soleil dans son parcours quotidien depuis l’Est à l’Ouest atteint le sommet de ce pilier à midi ; cette position est nommée en sanskrit bradhnya viṣṭapa « le rougeoyant », c’est-à-dire le plus haut des « points d’or de l’essieu d’or » (viṣṭāntā hiraṇya-mayī = ānī) du char du Soleil (Ṛgveda, X, 93, 13), c’est-à-dire les pôles du skambha ou viṣṭambha, l’Axis Mundi, le sens de « pas à pas » est aussi présent dans viṣṭapa. Ce point est le « but » du Sacrificateur, car il s’agit de « la fin de la vie », non pas parce qu’il n’y a pas de voie à travers le Soleil, mais parce que cette « voie » est sans chemin, et ne peut être nommée une « voie ». Ainsi, le sommet du Ciel, qui est le sommet du toit du monde, est également le sommet de l’Axis Mundi, qui est lui-même le centre et le principe de toute la maison (δὢμα), en sanskrit dama, maison et dôme, de δέμω « construire », qui est conservé dans le terme « timber » (bois). Le caput anguli est identique au chapiteau du trône.

Ces relations sont très bien exposées dans un passage de Nonnos de Panoplis, Dionysiaques, VI, 66f, qui n’est guère plus qu’une paraphrase de Platon (Timée, 40cd), les deux contextes parlant de modèles de rotations (έικὠν, μίμημα) de l’univers. Pour Nonnos : « l’image sphérique du Cosmos » d’Asterion tourne sur un « pôle ». La démonstration se fait en « faisant tourner le haut de l’axe » (ἄξονος ἄκρον έλισσὢν) et donc en « faisant tourner le pôle » (πὀλον αμπελέλιξε) et en « faisant tourner les étoiles autour de l’axe placé au milieu » (ἄξονι μεσσατιω). C’est un modèle du Cosmos, pas seulement de Ta terre. Il est évident que la Terre doit tourner avec le Tout dont elle fait partie, mais il n’est pas explicite que la Terre tourne sur son propre axe, ce qui revient au même, car son axe est aussi celui du Cosmos (bien que nous pensons que cela est implicite). Dans tous les cas ἑλισσὢν signifie « provoquer une rotation », comme dans Sextus Empiricus et l’Évangile de Matthieu, X : είλοομεναι σφαἲραι sont certainement « des sphères tournantes ». Ces deux contextes ont une incidence sur la signification des mots γἢν […] είλλαμένην δέ περἱ τὁν διά παντος λογον τεταμένον. Dans le Timée, 40b nous pensons qu’il veut dire « la Terre, tournant autour du pôle qui traverse le Tout », mais pas le genre de pôle sur lequel tourne le « globe » moderne (un modèle de la Terre). Pour ce qu’implique la rotation de la Terre, il est loin d’être insignifiant que l’on parle de cet Axe comme frappant, coupant ou traversant (τέμνω) le Tout (Voir. Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa, I, 10, 3 où « ces mondes sont traversés – saṃtṝṇāḥ – par OṂ, comme par une aiguille »). Car de la même racine provient τάμιας, avec les sens secondaires de « distributeur » (comme épithète de Zeus dans l’Iliade, IV, 84), « Contrôleur » et « Directeur », et également « Réserve » pour l’Axis Mundi (le skambha qui est décrit dans l’Atharva Veda, X, 7) est précisément toutes ces choses. C’est ainsi que le « Foudre » (κεραυνός, sanskrit vajra) est dit « gouverner toutes choses » (Héraclite, Frg.XXVIII). Il s’agit du sceptre de Zeus, le vajra d’Indra qui fait toutes choses.

[69] Voir. Timée, 33c et Qalb (la doctrine du Cœur).

[70] Nous, pour qui « une connaissance non empirique est dénuée de sens […] et ne doit pas être qualifiée de connaissance » (Keith, Aitareya Āraṇyaka, p.42 (1902).

[71] « L’harmonie divine » du Timée, 80b.

[72]  Voir. Joachim Heim, « Bogenhandwerk und Bogensport bei den Osmanem », Der Islam, XIV, XV (1925-1926) et Nasau and Acker, Tōyō Kyūdo Kikan (Tokyo. 1937).

[73] Die ionische Saüle, Bauform oder Symbol. 1933.

[74] Voir. W. R. Lethaby, Architecture, Mysticism and Myth (London. 1892). Lethaby cite sur sa page de titre la question de César Dalys : « Y a-t-il d’autres symboles que l’on peut appeler constants ; propre à toutes les races,  à toutes les sociétés et à tous les pays ? », et pense évidemment à son propre travail comme une réponse affirmative.

[75]  « Κατ’οίκονομιαν, selon le plan divin, est pour ainsi dire un terme technique de la langue chrétienne » (A. Siouville, « Philosophumema ou Réfutation de toutes les hérésies/Hippolyte de Rome) », Les textes du Christianisme, VI, T.2, p.82, note.3. Paris.

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