Ananda K. Coomaraswamy. Réminiscence, indienne et platonicienne.

Les Cahiers de l’Unité n°19

Editorial

Ananda K. Coomaraswamy. Réminiscence, indienne et platonicienne. Traduit de l’anglais et présenté par Max Dardevet.

Le système en VII grades (II). Introduction aux extraits de la correspondance de Clement Stretton (III, suite). Traduit de l’anglais et annoté par Pierre Notuma.

Jean-François Houberdon. Qâba Qawsayn, la distance de deux arcs (VI).

Miroir des textes.

Luc Desfontaines. Le Coran des historiens. Sous la direction de M. Amir-Moezzi et Guillaume Dye.

Addenda.

Ananda K. Coomaraswamy. Cahiers de l’Unité n° 18

Les Cahiers de l’Unité est une revue trimestrielle internationale consacrée aux expressions régulières de la conscience de l’unité essentielle de toutes les formes traditionnelles. Elle s’adresse exclusivement à celles et ceux qui sont capables de comprendre les principes métaphysiques et d’en tirer les conséquences.

C’est une publication numérique trimestrielle (4 numéros par an).

Dans le N° 18 :

Editorial

Max Dardevet. Présentation : L’erreur réincarnationniste.

Ananda K. Coomaraswamy. L’Unique et Seul Transmigrant. Traduit de l’anglais par Max Dardevet.

M. C. Debenham. Le système en VII grades. Introduction aux extraits de la correspondance de Clement Stretton. Traduit de l’anglais et annoté par Pierre Notuma.

Jean-François Houberdon. Qâba Qawsayn, la distance des deux arcs (V).

Miroir des textes : Luc Desfontaines. Dictionnaire du Coran, sous la direction de Mohammed Amir-Moezzi.

 

 

 

 

Ananda K Coomaraswamy. La Vierge allaitant St Bernard

(The Virgin Suckling St Bernard. Art Bulletin, New York, XIX, 2, pp.317-318. June 1937).

Dans un article sur la Madonna of Humility, paru dans l’Art Bulletin, vol XVIII, 1936, pp. 460-461, Millard Meiss décrit une peinture majorquine du XIVème siècle, représentant « Saint Bernard agenouillé devant la Vierge et allaité par elle » ; plus précisément il est agenouillé devant une statue, qui d’après la légende est « devenue vivante » », de la Madona del Latte ».

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Ananda K Coomaraswamy. Le Sphinx Grec.

Nous avons vu que dans les formulations mythologiques, verbales et visuelles, les pouvoirs pneumatiques ailés, que nous les nommions Sirènes, Sphinx, Aigles ou Anges, transmettent l’âme au royaume céleste de la lumière éthérée, l’âme elle-même n’étant pas ailée, s’accroche à son porteur. En revanche, Platon dans le Phèdre, parle de l’âme comme ayant des ailes en expansion, de même Philon parle des âmes qui sont purifiées des attachements mondains et qui « s’échappent comme d’une prison ou d’une tombe, elles sont équipées pour l’Ether par des ailes légères et parcourent les hauteurs à jamais » (Somn. I.139). Et bien que nous ayons conclu que c’est principalement en tant que Psychopompe que le Sphinx, la Sirène ou l’Aigle apparaissent sur les tombes, nous trouvons dans l’Anthologie Palatine.VII.62 la question posée à l’aigle sur une tombe : « Pourquoi vous restez-là, et pourquoi vous contemplez la maison étoilée des dieux » ?  La réponse donnée est : « Je suis l’image (εἴδωλον) de l’Âme de Platon, qui s’est envolée pour l’Olympe ». De même Dante parle de celui qui a ou « n’a pas d’ailes pour y voler » (Paradis.X.74). Aussi en Inde, les deux formulations sont utilisées, d’une part, il s’agit de l’Aigle qui véhicule le Sacrificateur qui le retient (Taittirīya Saṃhitā.III.2.1),  au moyen de la gāyatrī, dont les ailes sont de lumière, celui là atteint le monde des Soleils (Pañcaviṃśa Brāhmaṇa.X.4.5, XVI.14.4). D’autre part, on leur demande quel est le sort de celui qui atteint le sommet de l’Arbre de Vie et il est répondu  que « les ailés, ceux qui sont sages s’envolent, mais ceux qui sont sans ailes, les ignorants tombent » (Pañcaviṃśa Brāhmaṇa.XIV.I.12.13). Le Sacrificateur s’est envolé sur les ailes du son,  où « les deux ailes se perchent sans peur dans le monde de la lumière céleste, et également se déplace » (Jaiminīya Upaniṣad Brāhmaṇa.III.13.9.10), c’est-à-dire à volonté, « partout où voudra aller un ailé, il l’atteindra » (PañcaviṃśaBrāhmaṇa.XXV.3.4). Les deux positions sont combinées dans Pañcaviṃśa Brāhmaṇa.XIX.II.8, si le mètre discuté est décrit comme ailé, donc celui qui comprend est celui qui « étant ailé et lumineux, fréquente les mondes purs. »

Depuis que j’ai écrit tout ce qui précède, je suis ravi de constaté que j’ai été devancé, en ce qui concerne le Sphinx, par Clément d’Alexandrie. « Le Sphinx », dit-il, « est un symbole de défense (άλκή) et d’association (συνέσις) » (Stromates.V.7.42). Ailleurs, il parle des « Sphinx » Egyptiens (improprement nommés ainsi, ici, peut-être pour la première fois) et les explique de son propre point de vue Grec. En disant que les « Egyptiens dressent des sphinx devant leurs temples, afin de montrer que la doctrine selon laquelle le Dieu-qui-est, se trouve énigmatique et obscure, et peut être aussi démontré que nous devons à la fois aimer et craindre la divinité…ainsi le Sphinx affiche à la fois l’image d’une bête sauvage et d’un être humain » (ibid. V.5.31). Dans un long passage il dit qu’ « Alors que selon le poète Araton le Sphinx n’est pas le lien commun du Tout et la circonférence de l’Univers (ἡ τὢν ὅλων σύν δεσις καἱ ἡ τον κόσμος …περιφορά), néanmoins, il se peut que ce soit la corde pneumatique (πνευματἱκος τόνος ) qui imprègne et maintienne l’Univers ensemble (συνέϰων), et qu’il est bon de la considérer comme l’Ether qui tient toutes les choses ensemble et les contraint (πάντασυνέϰοντα κας σφίγγουτα), comme le dit Empédocle :

 » Mais viens maintenant, je vais d’abord parler au Soleil, le commencement,

de qui provient tout ce que nous admirons maintenant,

la Terre et les nombreuses vagues de la Mer, et l’Air humide,

et le Titan Ether qui contraint toutes les choses dans son cercle (…) »

(τιτἁν Άίθἡρ σφίγγων περἱ κύκλον ἄπαντα, ibid. V.8.48, citant le Fragment.185 d’Empédocle ; Et finalement il cite « μάρπτε σφίγξ, κλώψ ξβυϰ θηδόν » qu’il dit être une copie pour les enfants, expliquant que μάρψαι veut dire « saisir » (καταλαβεἲν), et que « par le Sphinx, on entend l’Harmonie du Monde » (ἡτοὒ κόσμον ἁρμονία, ibid. V.8.49). C’est précisément la conclusion à laquelle j’étais parvenu, principalement par une compilation des utilisations du verbe σφίγγω dont provient le « Sphinx ».

     Nous avons été amenés à penser que le Sphinx était une manifestation du Principe qui unit toutes choses en un lien commun, celui du fil lumineux, pneumatique, et éthéré de l’Esprit par lequel Dieu « attire » toutes choses en Lui par une attraction irrésistible.

Mon rendu de άλκή est déterminée en partie par φοβεἲσθαι dans V.5.31 de Clément d’Alexandrie, cf. le Protagoras.321d : αἱ Δἱος φυλακἁι φοβεραί, de Platon, en partie par une corrélation avec άλκά qualifiant la « Chimère cracheuse de feu » dans Euripide, Ion.202-4, et en partie par une équivalence étymologique de άλκέω, arceo et du Sanskrit RAKṢ-, dans soma-rakṣas, le Gandharva « gardien du Soma ». Le rendu littéral de συνέσις par « association » est principalement déterminé par φιλεἲν et άρμονία de Clément d’Alexandrie dans V.5.31 et V.8.49, mais ne vise nullement à exclure le sens de « conscience » au sens premier du mot « con-science », en Sanskrit saṃvitti. Ou pour exclure une « plénitude de la connaissance » (έπίγνωσις πολλή) qui, selon Clément, est la signification du mot « Chérubins » (qu’il comprend également comme étant « des esprits glorificateurs », cf. Philon, pour qui les Chérubins représentent έπίγνωσις καἱ έπιστήμη πολλή ainsi les Pouvoirs bienfaisants et punitifs. Ou les Pouvoirs créateurs et royaux de Dieu qui sont les émanations du Logos (Moses.II.97, Fug.100, Heres.166, De Cherubim.26-29). Συνέσις a des équivalents qui sont proches des termes Sanskrits : saṃsthiti, saṃbhava, samastitā, samādhi, saṃvitti, et saṃjñāna.

Il me semble que l’exégèse de Clément d’Alexandrie est à la fois un point de vue iconographique et philologique valable, notamment lorsqu’il fait du Sphinx un symbole à la fois d’amour et de terreur, le visage humain exprimant l’amour et le pouvoir terrifiant du corps léonin. Ainsi, il faut garder à l’esprit que les Chérubins sont représentés dans l’art Asiatique Occidental par des paires de Sphinx et que Philon ne distingue pas les Séraphins des Chérubins. La Miséricorde et la Majesté (le jamāl et le jalāl Islamiques), sont précisément les deux aspects du Logos qui, dans son analyse, sont représentés par le Chérubin gardien de l’Ancien Testament. Encore une fois, quand Clément substitue « terreur » et « amour » à « déférence » et « association », il s’agit de qualités également exprimées par les deux parties de la forme composite. Et c’est finalement le Logos unificateur comme Esprit, Lumière ou Parole du Dieu-qui-Est, qui est médian de deux manières ; à la fois dans la mesure où il se situe (comme le sommet d’un triangle par rapport à ses autres angles) au-dessus et entre les Puissances créatrices bienfaisantes et les législations royales, représentées par les Chérubins, qui les séparent,  ainsi que toutes les autres qui sont opposées les unes vis-à-vis des autres, dans la mesure où Il se tient à la frontière (μεθόπιος) « entre les extrêmes du créé et de l’incréé ». Agissant en tant que médiateur, suppliant au nom de l’homme et ambassadeur auprès du Père, et semblable au Soleil dont la place est celle de la quatrième au milieu des sept planètes. Cette position centrale du Logos Solaire correspond à celle du Souffle Indien (prāṇaḥ) ou Feu Universel (Agni Vaiśvānara)  ou Soleil Spirituel.  Non pas le soleil que tous les hommes voient, mais le Soleil du soleil, la Lumière des lumières, comme l’expriment les Veda et Platon. De plus, en considérant le verbe σφίγγω, dont provient le nom « Sphinx », nous sommes amenés à penser que le Sphinx était une manifestation du Principe qui unit toutes choses en un lien commun, celui du fil lumineux, pneumatique, et éthéré de l’Esprit par lequel Dieu « attire » toutes choses en Lui par une attraction irrésistible.

Enfin, Clément dit que « par le Sphinx on entend l’Harmonie de l’Univers », une « Harmonie » ici presque comme s’il s’agissait du nom de la Déesse et en faisant référence à la racine du mot qui signifie « se réunir ensemble », comme le charpentier que nous nommons (plus littéralement) un « joiner/menuisier ». Je n’ai pas besoin de vous dire que le Christ était aussi un « charpentier » (ἁρμοστης) en ce sens, où toute forme de l’Artificier « par lequel toutes choses ont été fabriquées » doit être un charpentier partout où nous pensons à l’étoffe dont le monde a été fait comme du « bois » (ὕλη ou en Sanskrit vana). Si bien que le Sphinx, malgré sa féminité qui correspond à celle de la divine « Nature », peut être considéré comme un type du Christ, ou plus précisément comme la Colombe, comme une figure du Sphinx en mouvement, car c’est par lui qu’il les attire. Le Sphinx, en d’autres termes, c’est l’Amour, et bien plus l’image d’Aphrodite plutôt que celle d’Eros, mère et fils étaient à l’origine à peine distinguables quand au caractère ou à la fonction. Si vous demandez : « Le Sphinx n’est il pas aussi le symbole de la Mort ? Ai-je besoin de vous rappeler que dans toutes les traditions l’Amour et la Mort ne sont qu’une seule et même Personne, ou que Dieu a dit de lui-même dans de nombreuses Ecritures : « Je tue et je fais vivre ». Tout changement est une mort. « Aucune créature ne peut atteindre un degré de Nature supérieur sans cesser d’exister » (St Thomas d’Aquin). L’Ether est la partie immortelle de l’âme, qui recouvre son corps subtil ou glorieux.

Lorsque cette Perfection aura été réalisée, nous ne constaterons pas qu’elle a été affectée par notre travail…notre labeur n’a pas été essentiel pour l’être de sa Perfection, notre propre Perfection, mais seulement pour notre réalisation de celle-ci. Comme Maître Eckhart l’exprime : « Quand j’y entrerai, personne ne me demandera d’où je viens et où je suis allé. »

Le pèlerin fatigué est maintenant devenu ce qu’il a toujours été s’il l’avait su.  

 

 

Ananda. K. Coomaraswamy : L’άγών héraclitéen

Nous remerçions R. Strom qui nous a fait parvenir ce texte qui  vraisemblablement date de l’année 1941.

Sur l’άγών Héraclitéen

…ἁρμονίη άϕανερῆς κρείττων (…l’Harmonie occultée règle[1] l’exotérique). (Héraclite, Frag. 47[2])

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ϕύσις κρύπτεσθαι φιλεῖ (L’occultation accompagne la physis comme un ami). (Héraclite, Frag. 8, M. (123, DK)

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Ananda.K.Coomaraswamy. Les Gardiens de la Porte.

« Les murs du Paradis dans lesquels Vous habitez, Seigneur, sont construits de contradictions, il n’y a pas d’autre moyen d’entrer que pour celui qui a vaincu le plus Haut Esprit de Raison qui garde sa porte. »  (Nicolas de Cuse)

« Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage. » (Saint Jean.X.9)

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